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 Si je devais... de Germaine Beaumont

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LP de Savy
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MessageSujet: Si je devais... de Germaine Beaumont   Si je devais... de Germaine Beaumont Icon_minitimeJeu 2 Fév 2006 - 22:34

Critique
Une vie de littérature
Le Monde des Livres | 02.02.06 |

Germaine Beaumont ne fut pas une de ces météoritiques et dévouées jeunes amies de Colette, comme elle les collectionna tout au long de sa vie. Ne serait-ce qu'en raison des liens de complicité que sa scandaleuse mère avait entretenus avec l'auteur des Claudine : Annie de Pène, qui avait quitté mari et enfants pour mener une vie de femme de lettres à Paris, n'eut que le temps de confier sa fille à Colette, en 1918, avant de mourir "bêtement" de la grippe espagnole...


Née Germaine Battendier en 1890, la jeune femme aurait pu se plaindre à jamais de cette mère qui l'avait abandonnée ; elle aurait pu s'abîmer dans ce drame familial et s'enfermer dans une belle dépression Troisième République ; elle aurait pu aussi rejeter Colette, auprès de laquelle sa mère trouva soutien... Mais elle choisit de se battre, de gagner son indépendance intellectuelle, financière et, comme sa mère, de se révéler au public sous un patronyme qui ne doit rien au mariage : elle part s'installer à Londres, de 1908 à 1915 ou 1916, découvre la littérature des romancières anglaises, dont Virginia Woolf (dont elle traduira Journal d'un écrivain), George Eliot, Elizabeth Bowen, les soeurs Brontë, tout en continuant de lire celui qui a éveillé son goût pour la littérature, Charles Dickens.

Colette prend donc sous son aile la fille de son amie (1) ; elle intercède auprès de son mari, Henry de Jouvenel, l'un des rédacteurs en chef du Matin, qui lui confie la responsabilité d'un papier par semaine, puis la gazette quotidienne du "petit courrier des femmes", puis la page féminine du Matin, puis la page littéraire : Germaine Battendier existe enfin sous le nom de Germaine Beaumont... Elle fait alors connaissance de Maurice Martin du Gard et de Jacques Guenne, qui la persuadent de collaborer, parallèlement, au Matin (qu'elle ne quittera qu'au début de la seconde guerre mondiale), aux Nouvelles littéraires, aventure qui durera pour elle une cinquantaine d'années : elle y rédige d'abord une chronique de mode, "Miroir", et signe dans chaque numéro un "Disque" : c'est sa propre sélection des textes imprimés dans Les Nouvelles littéraires, publiée en volume par les éditions du Tambourin en 1930, qui est rééditée aujourd'hui, augmentée du poème autobiographique qui renomme l'ensemble, "Si je devais...". Commentant l'actualité avec un esprit de fantaisie et de paradoxe provocateur, ces billets — "à mi-chemin entre la chronique poétique et le billet d'humeur", selon la préfacière Hélène Fau (2) — sont très représentatifs d'une période de la vie de Germaine Beaumont : celle où elle fut plus ardemment journaliste, reporter, chroniqueuse que romancière...

A partir de 1938, date à laquelle Plon la prend sous contrat — première femme à avoir obtenu le prix Renaudot en 1930, pour son premier roman, Piège, Germaine Beaumont est membre du jury du prix Femina depuis 1934 —, elle peut se permettre d'être plus romancière que journaliste. S'attachant à perpétuer la tradition du roman féminin anglais, elle construit des oeuvres pleines de suspense, proches des detective novels dont elle est friande. De vieilles demeures abandonnées qui recèlent des secrets de famille, des héroïnes inspirées par les garçonnes des années 1920, un climat obsédant de mystère, une touche de fantastique... Les trois romans de Germaine Beaumont, La Harpe irlandaise (1941), Les Clefs (1940), Agnès de rien (1943), réédités par Omnibus, prouvent de manière très séduisante sa maîtrise de l'intrigue et son sens du dialogue. Se défendant d'écrire pour son compte des romans policiers, elle fonde chez Plon en 1950 la collection "Le Ruban noir", proposant des traductions de policiers étrangers écrits par des femmes.


BONS ET MAUVAIS POINTS


Mais Germaine Beaumont est aussi restée dans les mémoires, après ses "carrières", comme une voix : celle que les familles françaises d'après-guerre guettaient à la radio le soir ; celle aussi qu'elle fit peser chaque année pendant la période des prix littéraires...

Dès 1950, sur la Chaîne parisienne, elle présente en effet une brève critique de romans policiers, à la fin de l'émission "Le jeu du mystère et de l'aventure". Puis elle réalise avec Pierre Billard "Les maîtres du mystère". En 1965, c'est seule qu'elle produit "L'heure du mystère", où elle donne en feuilleton les meilleurs romans policiers du moment... Du prix Femina, elle démissionne avec fracas en 1945, mais revient en force en 1954 : avec sa complice, Mme Simone, elle distribue les bons et les mauvais points. Parmi ses élus qu'elle défend : Dominique Rolin, André Dhôtel, Henri Thomas, Robert Pinget, Marguerite Yourcenar, Patrick Modiano.

Sa silhouette, pareille à celle des vieilles dames de Jacques Faizant, fit qu'elle était un peu moquée (elle se comparaît elle-même à "la quatrième sorcière de Macbeth") ; son jugement, caustique et souvent assassin, fit qu'elle était crainte, et irrécupérable ; véritable vieille dame indigne qui avait vu tout le siècle littéraire, elle mourut en 1983, non sans être revenue sur son enfance dans Une odeur de trèfle blanc... (Gallimard, 1981).


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SI JE DEVAIS... de Germaine Beaumont. Présentation d'Hélène Fau, postface d'André Parinaud. Le Dilettante, 192 p., 14,50 €.
DES MAISONS, DES MYSTÈRES de Germaine Beaumont. Préface d'Hélène Fau, Omnibus, 864 p., 25 €.

(1) Leur correspondance a été publiée dans Colette, Lettres à Annie de Pène et Germaine Beaumont, présentée par Francine Dugast, Flammarion, 1995.

(2) Egalement présidente de l'Association des amis de Germaine Beaumont, "Le Trèfle blanc" : helene.fau@free.fr.

Claire Paulhan
Article paru dans l'édition du 03.02.06
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