Propos insignifiants
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 Mort de Jean-François Revel

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LP de Savy
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MessageSujet: Re: Mort de Jean-François Revel   Mort de Jean-François Revel - Page 2 Icon_minitimeSam 6 Mai 2006 - 23:52

Le bloc-notes de Bernard-Henri Lévy

Pour saluer Jean-François Revel

Bernard-Henri Lévy

Mon premier souvenir de Jean-François Revel remonte à 1967, à Neuilly, dans le gymnase de l'école communale de l'avenue du Roule, où il tient meeting électoral. Il est de gauche. Candidat FGDS - le parti, à l'époque, de François Mitterrand - à la députation. Il a déjà ce tempérament querelleur et généreux, implacable quoique en rondeurs - il a cette langue d'acier dans un corps de père abbé qui ne lui aura, jusqu'à la fin, jamais manqué.

Je le revois, plus tard, à L'Express, Porthos d'une compagnie de mousquetaires dont Philippe Grumbach était l'Aramis, Olivier Todd l'Athos et Jean-Jacques Servan-Schreiber le d'Artagnan - je revois, que dis-je ? je me rappelle visuellement ces grands éditos d'idées dont il avait conçu le projet avec la Milady du moment, Françoise Giroud, et qui, parce qu'ils avaient pour principe de toujours partir d'un livre, inventaient véritablement un genre.

Je me souviens de lui, si embarrassé quand Jimmy Goldsmith lui proposa la direction de l'hebdomadaire : il était l'indiscipline même, la liberté d'esprit faite homme, il avait un côté réfractaire et même un peu frondeur que cachaient mal ses faux airs de fermier général des lettres - comment allait-il s'accommoder des servitudes que suppose le métier de patron de presse ? Et je me souviens de son courage - et peut-être, en même temps, de son soulagement - quand, deux ans plus tard, en solidarité avec Todd, il quitta la maison devenue vide d'esprit et choisit de revenir aux seules choses qu'il aimait sans nuances : la littérature, les voyages, la défense de la liberté et de l'Amérique, encore et toujours la bataille des idées.

Je me souviens du soutien qu'il avait apporté, lui dont Jean Cau disait qu'il était un bloc d'athéisme, un robot de la libre-pensée et du vrai, à mon très lévinassien « Testament de Dieu ». Et je me souviens, deux ans plus tard, au moment de « L'idéologie française » et alors que Raymond Aron tonnait, dans le même journal, contre le fait même qu'on ose ainsi s'en prendre à la face noire de la France éternelle, je me souviens de la façon dont il jeta son poids, tout son poids et son autorité, dans la balance pour prendre ma défense et celle de mon livre : se souvint-il, dans cette charge antipétainiste, d'un certain Ferral, son pseudo dans la Résistance ? et quel sens donner, par parenthèse, au fait que ce rationaliste pur et dur, ce disciple d'Etiemble, cette âme toute en logique et aussi peu romantique qu'il est possible, ait choisi, comme nom de guerre, en ce temps-là, le nom d'un personnage de Malraux ?

Avec Raymond Aron, il avait le type de rapports qu'avait Gary avec, justement, Malraux : estime et rivalité mêlées - le sentiment que, dans le « grand vestiaire » (Gary encore) de la scène littéraire contemporaine, c'est l'autre qui, mystérieusement, avait préempté le meilleur rôle.

Vis-à-vis des intellectuels, ses pairs, il avait l'ambivalence de sentiments de celui qui a pris l'initiative de la rupture (ah, le réjouissant jeu de massacre de « Pourquoi des philosophes » !) mais qui ne se remettra pourtant jamais d'avoir été si littéralement pris au mot (oh, la belle colère dont je fus témoin le jour où Pierre Bourdieu, qui n'avait pas le dixième de son talent, se permit d'insinuer qu'un « sociologue » ne pouvait, sans déroger, débattre avec un « journaliste » !).

Il avait des fidélités bizarres, comme pour Branko Lazitch, cet érudit du communisme qui passait pour avoir été proche de Souvarine et dont les méchantes langues disaient qu'il était devenu son âme damnée - ainsi de ce colloque de 1983, à Athènes, où il nous avait accompagnés et où il le bombardait de notes plus ou moins fiables sur l'infiltration du PS français par l'internationale stalinienne ressuscitée.

Il était l'ami de ses idées autant que de ses amis comme j'en eus la preuve - et cela aussi, je dois m'en souvenir - le jour, quelques années plus tard, où, lors d'un déjeuner trop arrosé au restaurant Allard, rue Saint-André-des-Arts, nous faillîmes nous fâcher sous prétexte que j'avais préfacé le livre de l'ancien apôtre de la lutte armée en Italie, Toni Negri.

Il aimait Proust, dont il tutoyait les personnages.

Il aimait la poésie, dont il était une anthologie vivante.

Marseillais de souche et Parisien de fibre, il parlait comme personne de l'Italie et du Mexique, ses autres patries de coeur.

Il pensait comme les oiseaux chantent - quand bon lui semblait, à toute heure et, de préférence, le matin tôt.

Il goûtait la bonne chère et les vins, sens et intelligence mêlés, en physiologue et philosophe du goût - mais il parlait aussi du temps qu'il a gagné le jour où il a enfin compris que, dans la langouste mayonnaise, c'est la mayonnaise qu'il préférait.

Les lecteurs du Point, où il écrivait depuis vingt ans, gardent le souvenir du maître à penser libéral, de l'adversaire du josébovisme et de l'obsession antiaméricaine, du pourfendeur infatigable de toutes les tentations totalitaires. Je me souviens, aussi, du grand vivant, blagueur, facétieux, Normalien de Jules Romains éternellement en quête de son canular ultime - je me souviens de cet être d'exception qui aura eu le double génie de la pensée et de la vie.

© le point 04/05/06 - N°1755 - Page 170 - 850 mots
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LP de Savy
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MessageSujet: Re: Mort de Jean-François Revel   Mort de Jean-François Revel - Page 2 Icon_minitimeDim 7 Mai 2006 - 0:01

mardi 2 mai 2006, L'Express.

Jean-François Revel

La mort d'un "esprit libre"

Eric Mettout

Journaliste, philosophe, écrivain, ancien directeur de L'Express, Jean-François Revel est mort à l'âge de 82 ans.

"N’oublions jamais ce principe élémentaire que le totalitarisme ne peut vivre que grâce au mensonge et la démocratie survivre que grâce à la vérité”, écrivait-il: chantre de la démocratie et de la liberté de la presse, Jean-François Revel avait dirigé L'Express pendant trois ans, après en avoir été un brillant éditorialiste et avant d'en démissionner, en 1981, pour marquer sa solidarité avec Olivier Todd, rédacteur en chef licencié par le nouveau propriétaire du journal, Jimmy Goldsmith. Là, comme tout au long de sa vie, il avait tenu à marquer son indépendance, cette "liberté d'esprit", cette "lucidité politique", cet "amour de la vérité" qu'évoquent tous ceux qui, de Jacques Chirac à Bertrand Delanoë en passant par ses collègues académiciens Hélène Carrère d'Encausse ou Jean d'Ormesson, lui ont rendu hommage ces dernières heures.

Jean-François Revel est mort dans la nuit de samedi à dimanche, à l'âge de 82 ans. Journaliste, écrivain, philosophe, mais aussi fin gastronome, amateur d'art et de bon vin, il a traversé la vie intellectuelle française en électron libre, de la gauche non marxiste, dans les années 50 et 60, à la droite libérale et brutalement anticommuniste à partir des années 70 et, en particulier, de la parution de l'un de ses livres les plus célèbres, La Tentation totalitaire, en 1976.

Dans son dernier essai, L'Obsession anti-américaine, il dénonçait, quelques mois après les attentats du 11 septembre, l'opposition systématique des élites françaises à l'encontre des Etats-Unis. Prenant une dernière fois à contre-pied l'opinion de son pays.
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LP de Savy
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MessageSujet: Re: Mort de Jean-François Revel   Mort de Jean-François Revel - Page 2 Icon_minitimeDim 7 Mai 2006 - 12:14

Jean-François Revel, bretteur de la liberté

Alain-Gérard Slama

05 mai 2006, (le Figaro Magazine)


Incisif, dévastateur, parfois violent, et cependant rigoureux, informé, débordant de joie de vivre et d'humour - Jean-François Revel, essayiste et journaliste, mort la veille du 1er mai, à l'âge de 82 ans, mariait ces contraires avec une virtuosité, une sagacité incomparables. Venu de la rue d'Ulm et de la philosophie, ce Marseillais passé par la Résistance a dû la largeur exceptionnelle de sa palette à une curiosité tous terrains de la littérature à la gastronomie et à la maîtrise tôt acquise de deux langues et de deux cultures étrangères, l'italienne et l'espagnole. Cette grâce de polyglotte, qu'il partageait avec Raymond Aron, explique en partie la distance qu'il a toujours su prendre par rapport aux influences et à lui-même. Pourfendeur des philosophes, qui, selon lui, n'ont plus été que des commentateurs ou des poètes à partir du XVIIIe siècle, critique sévère de l'étatisme à la française jusqu'à être injuste envers la Ve République, démolisseur épique de tous les stéréotypes, comme l'antiaméricanisme bien de chez nous, il a rompu avec le socialisme par allergie pour son long mensonge. Antitotalitaire dans l'âme, comme Aron, rien ne lui aura fait plus horreur que le double discours, et les capitulations devant la loi du plus fort auxquelles celui-ci nous entraîne. A l'intérieur, la peur de trancher ronge en chacun l'esprit de liberté. A l'extérieur, elle renonce d'avance à mener la bataille idéologique. Revel, pour cette raison, a fait de l'esprit de vérité, autrement dit de la capacité d'assumer le conflit, la condition première de l'esprit de liberté. Il s'est tenu à cette ligne au prix de chocs parfois douloureux avec ses anciens amis socialistes, en particulier quand il leur a brandi sous le nez son essai sur La Tentation totalitaire, lors de l'élaboration du Programme commun de la gauche en 1976. On ne négocie pas avec les idéologues et moins encore avec les fanatiques : c'est une question de vie ou de mort. La victoire des Etats-Unis sur l'URSS sur ce terrain lui a donné raison. Dix ans auparavant, fidèle à cette même ligne, il avait été le premier à évoquer, à propos du Biafra, la nécessité de proclamer un «devoir d'ingérence». En 1983, un autre essai qui mit le PS en fureur, Comment les démocraties finissent, rappelait, contre les errements économiques du nouveau pouvoir, que l'esprit de résistance ne se divise pas. En 1987, celui qui, dès 1970, avait diagnostiqué, dans Ni Marx ni Jésus, la menace des aspirations irrationnelles dans les démocraties mo-dernes, fut aussi le premier à annoncer la montée du Terrorisme contre la démocratie. Ses Mémoires, Le Voleur dans la maison vide, sont un chef-d'oeuvre de lucidité et de non-conformisme. Aujourd'hui, la vigilance prônée par Revel doit s'exercer contre les nouvelles idéologies normalisatrices qui, au nom de la sécurité ou de la sauvegarde des identités, deviennent à leur tour les fourriers insidieux du totalitarisme. Devant la meute des complaisants, le combat continue.
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MessageSujet: Re: Mort de Jean-François Revel   Mort de Jean-François Revel - Page 2 Icon_minitimeDim 13 Aoû 2006 - 15:38

J'ai trouvé, dans une librairie spécialisée dans les livres anciens, lors de mes vacances à Agen, Contrecensures (éditions Jean-Jacques Pauvert, 1966). Voici un court extrait de l'avant-propos :

En outre, je n'ai jamais abordé un article dans d'autres dispositions que celles dans lesquelles j'écris un livre. J'ai fait de mauvais articles, mais, bons ou mauvais, je n'ai jamais fait d'articles délibérément négligés. Le journalisme n'est pas pour moi une sorte d'appauvrissement de l'expression littéraire, et il m'est impossible d'écrire le plus modeste compte-rendu sans la même tension, la même inquiétude, la même laborieuse recherche de l'inévitable, que je mets à écrire un livre.

On dirait une leçon de journalisme.
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MessageSujet: Re: Mort de Jean-François Revel   Mort de Jean-François Revel - Page 2 Icon_minitime

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