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 Mes petits papiers d'Antoine Blondin

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LP de Savy
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MessageSujet: Mes petits papiers d'Antoine Blondin   Mes petits papiers d'Antoine Blondin Icon_minitimeMar 30 Mai 2006 - 0:18

Laissez passer les petits papiers

Stéphane DENIS

26 mai 2006, (Figaro Magazine)

La presse de droite était pleine, autrefois, de papiers réussis sur des sujets divers. Sa critique littéraire était souvent très bonne. Que restait-il aux réprouvés, sinon des livres ? Antoine Blondin, qu'un reportage au Palais-Bourbon et un portrait de M. Félix Gouin avait éloigné du traitement politique de l'actualité, sauf dans des feuilles quasi clandestines (les rédacteurs en chef, même s'ils travaillaient dans l'extrémité, n'étaient pas fous au point de le laisser continuer) se vit bientôt proposer dans Rivarol, dans Le Bulletin de Paris, dans Arts, de lire ce qui paraissait et surtout ne lui paraîtrait pas trop odieux. Le voici donc plutôt dans l'éloge, éreintant au passage de vieux ennemis ou l'Académie Goncourt. De ce côté c'est un vrai talent qu'il a, Blondin, pour raconter comment Julien Gracq vint refuser son prix, Jacques Perret accepter le sien. Je recommande à l'attention du lecteur « Sommes-nous tous pédérastes ? » qui conduirait aujourd'hui son auteur sur les bancs de la 17e chambre, d'ignorer les articles sportifs (« jamais de sport », disait Churchill), de suivre en cinq stations le chemin de croix de François Mauriac de 1944 à 1955, (il nous manque 1958 et le retour au bercail), de lire son Rimbaud (il a écrit aussi, si mes souvenirs sont bons, un Werther pour Roger Nimier) ou sa défense de Marcel Aymé.

J'ajoute qu'il acceptait la commande qui est l'occasion du talent, se répétait souvent comme je viens de le faire (« la commande qui est l'occasion du talent », j'ai bien dû l'écrire une douzaine de fois) et qu'il avait commencé dans le définitif. Ah, ce style tellement romain de 1950 (« nous appartenons à une génération sans maîtres ») qui a commencé par Montherlant et finira chez Michel de Saint-Pierre : « Les factions continuent d'embaucher chaque jour des écrivains au service de leur cause, et la cité se déchire lentement sous les auspices de ce dialogue glacé où s'affrontent les esclaves. »

Heureusement le naturel prit le dessus. Nous lui devons un Jean-Paul Sartre-Simone de Beauvoir (« une sorte de crapaud replet enfoui dans le tweed et une amazone myope troussaient des concepts en toute simplicité, à deux pas du croquant, comme on fabrique des gaufres. Jamais la métaphysique ne parut plus prochaine »), des aperçus d'expositions (« la nuit est le manteau des monstres »), un éloge de l'absentéisme et une campagne d'Italie qui a dû plaire à Michel Mohrt. Il y a des formules qui en disent long (« la guerre sépara les deux garçons ; la paix réunit les deux hommes »), car Antoine Blondin est toujours un peu grave ; on dirait même qu'il grave un peu ; une excellente lettre à Michel Debré sur le parachutisme et quelques manifestations d'amitié comme on n'en fait plus depuis que les Lettres se sont constituées en République avec mandat à cinq ans, présidence tournante, attachés parlementaires et crédits de paiement.

Mis bout à bout c'est une époque. Elle est vue de l'oeil droit, c'est un fait et un fait qui prouve que la droite n'est pas si bête. Outre qu'elle a eu François Mauriac qui ne l'était pas du tout et André Malraux qu'elle admirait de loin, sur ses tables basses, la droite de l'après-guerre qui n'avait plus Barrès et oublié Maurras s'est exprimée comme les fleurs des champs, sur le bord des talus et dans les jardins de curés. Bientôt elle se reprendrait, elle aurait sinon des maîtres, sinon des consciences, du moins des signatures ; en attendant elle a eu sa période de grâce, écrite par des jeunes gens qui se prenaient très au sérieux bien qu'ils fissent tout pour prouver le contraire. Car c'est l'engagement de ces écrivains qui frappe le lecteur. Il n'a pas survécu à la guerre d'Algérie. Comme beaucoup de choses, il s'est éloigné avec elle ; la Cinquième triomphante a très vite réorganisé le secteur de la littérature par la méthode éprouvée des places. Trois ou quatre ans après le retour du Général l'affaire était dans le sac et nous pouvions aller gaiement vers un horizon raisonnable, presque universitaire, où se profilait « Apostrophes ». Une autre époque qui à son tour nous semble aujourd'hui bien lointaine. Le temps passe plus vite dans la littérature qu'ailleurs.

Mes petits papiers, d'Antoine Blondin, La Table Ronde, 422 p., 22 euros.
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