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 Chronique du disque de Philippe Muray par Ph.Lançon

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Magnakaï
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MessageSujet: Chronique du disque de Philippe Muray par Ph.Lançon   Chronique du disque de Philippe Muray par Ph.Lançon Icon_minitimeMer 15 Nov 2006 - 12:39

Le goût des autres

Un mort chante
Par LANÇON Philippe

QUOTIDIEN : vendredi 3 novembre 2006

Les hommes pleins d'espoir manquent de sensualité. Comme ils ne fument pas, ils ne voient pas la cendre venir et tomber, sans bruit. Quelque chose leur fait défaut au bout des doigts, au bout du geste. Une ombre, un renoncement, ce léger flottement dont l'élégance, l'hésitation, le souci, prend la tangente et retourne la solitude en désir. Ce qui leur manque peut-être, aux amateurs et professionnels de l'espoir, c'est justement la certitude concrète du manque. Elle rend la fin plus légère. Grâce à elle, on peut par exemple dénoncer le monde, ses discours, ses morales, ses lois du groupe, par l'exercice soyeux et diffamatoire du plaisir. Philippe Muray ne manquait ni de désespoir, ni de générosité, ni de plaisir. Il ne manquait pas de manque. Avant de mourir à 60 ans, en 2006, il mit en disque certains des poèmes qu'il avait publiés trois ans plus tôt, aux Belles Lettres. Sous le même titre clair et discret, Minimum Respect, le résultat sonore paraît aujourd'hui : douze chansons où sa voix lente et profonde de fumeur, résonnant d'outre-tombe comme depuis un bar de nuit, sur des arrangements musicaux soignés et relativement sixties, règle d'abord son compte aux enthousiasmes ordinaires de la société qui l'entoure : esprit festif obligatoire, amicale citadine du consensus, injonction sanitaire, américanisation du pays et du monde, morale de crèche et de gynécée. La compassion réflexe n'est pas au rendez-vous : «Rien n'est jamais plus beau qu'une touriste blonde/ Qu'interviewent des télés nippones ou bavaroises/ Juste avant que sa tête dans la jungle ne tombe/ Sous la hache d'un pirate aux façons très courtoises.» Les poèmes sont rimés sauce mirliton, mais c'est une politesse : le monde qu'ils décrivent n'exige pas de refaire le langage. Il mérite, en revanche, quelques chansons. Les refrains les plus absurdes ne sont pas les moins réussis ­ comme cette comptine : «Un Américain/ Deux Américaines/ Trois Américains/ Quatre Américaines/ Les Américains/ Ça se mange sans faim.» Mais les chansons concentrent surtout ce qui, dans les textes de l'auteur, était parfois trop dilué : le goût joyeux du déclin. Le fidèle Muray a lu son petit livre vert, son Cioran. Il chante avec bonheur le précis de décomposition : «J'ai mon cigare/ Il fait tout noir/ Fin provisoire/ De nos espoirs.» Ou encore : «Dans ton peignoir/ T'es belle à voir/ Même par les soirs/ D'après l'Histoire.»
Il a fallu que Muray meure, ou presque, pour qu'il devienne, dans la lignée Gainsbourg-Houellebecq, un personnage mis en musique. La plus belle chanson du disque, 10 septembre 2001, évoque un couple qui, dînant dans un bon restaurant, préfère mourir que vieillir. L'homme fait des calembours avant le désastre. La chanson est le parfum qui reste dans la pièce quand les portes sont fermées.
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