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 Vincent Ravalec par Benoît Duteurtre

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LP de Savy
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MessageSujet: Vincent Ravalec par Benoît Duteurtre   Vincent Ravalec par Benoît Duteurtre Icon_minitimeMer 16 Mai 2007 - 17:22

Virus punk à retardement


Dès ses premiers textes, Vincent Ravalec dépeignait notre époque avec un regard juste et vif, souvent teinté d'ironie. Dans ­Hépatite C, son nouveau récit, on retrouve le meilleur d'un auteur emblématique de cette génération « punk » confrontée à la prose du sexe, de la drogue et de la déprime occidentale. Le destin se charge d'ailleurs de lui rappeler, brutalement, cette adolescence où le refrain de la crise remplaçait celui du progrès, où l'on criait « no future » pour en finir avec le lyrisme hippie et où - pour tout gâcher - ceux qui goûtaient aux drogues dures s'inoculaient, sans le savoir, de très méchants virus. Beaucoup sont morts du sida. Ceux qu'on n'ose appeler les plus chanceux se sont découvert, vingt ans plus tard une hépatite C ! Quadragénaire devenu sage (ses enfants grandissaient, il ne buvait même plus d'alcool), Ravalec se met en scène pour nous parler de cette affection qui lui est tombée dessus inopinément, comme une ultime punition, alors que le temps des punks semblait enterré : « Avais-je pensé à tout cela en écoutant les Sex Pistols ? »


On aurait pu craindre le pire, comme chaque fois qu'un écrivain annonce un texte sur sa maladie, son cancer, son infarctus et, plus généralement, sa découverte de la métaphysique à l'occasion d'ennuis de santé. Au contraire, le nouveau Ravalec se place dans l'excellente lignée de Copi - bel esprit argentin de Paris qui osa nous faire rire avec son sida. Le narrateur ahuri commence par découvrir le détail des souffrances qui lui sont promises, son agonie prochaine et les effets secondaires du traitement - le tout gonflé par la masse cafardeuse des informations glanées sur Internet, quand on n'est pas médecin. Dans cette déconfiture, Ravalec conserve un ton alerte, rapide, incisif, toujours à l'aise pour mêler langue écrite et langue parlée, « la situation n'était pas joyeuse joyeuse ». D'ailleurs, sa malchance nous concerne tous, comme une version de cette approche de la mort qui se précise dans nos têtes après quarante ans. Sauf que, pour le dire, Ravalec sait rester au plus près de la vie concrète, tempérer l'horreur de la maladie par les détails drolatiques, la résignation ahurie des enfants quand il commence à « péter les plombs », puis son entrée dans un groupe de soutien psychologique où les malades apprennent à lutter contre la déprime en criant ensemble « Houla-la ».


Mieux encore, l'auteur ne se contente pas de nous relater ses déboires. Il sait, comme romancier, que la réalité a besoin d'imagination, de jeu, pour déployer toute sa beauté. L'exemple en est donné par ce livre qui s'empare de la maladie, comme Marcel Aymé s'emparait des tractations du marché noir pour inventer ses contes loufoques. En l'occurrence, le traitement de l'hépatite C produit, chez le narrateur, d'étranges effets psychiques, des délires hallucinatoires qui vont modifier le cours du récit et nous entraîner dans une aventure insensée, où le malade croit découvrir les origines cachées de son mal (jusqu'au « Inri » du Christ, qui serait, en fait, l'abréviation des deux antiviraux : ­Interféron et Rivabirine).


Par de tels détours, le roman abolit la prose de la vie et trouve, dans le cruel destin des punks, l'écho d'une légende à la Don Quichotte : « Laissant mon cheval aux écuries, je m'approchai du comptoir d'admission et tendis ma carte Vitale. » On se réjouit que le traitement ait réussi et que l'auteur ait guéri sans rien sacrifier de son tempérament littéraire.


Hépatite C de Vincent Ravalec Flammarion, 180 p., 16 € .

Benoît Duteurtre le Figaro, 10 mai 2007.
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