Littell dérange l'Allemagne
De notre correpondant Pierre Bocev
Le Figaro, 20/02/2008
«Les Bienveillantes» seront en librairie samedi, mais leur auteur occupe déjà bien le terrain.
Deux jours encore jusqu'à la parution de la traduction en allemand mais, déjà, Jonathan Littell ne laisse plus personne indifférent. Critiques littéraires ou historiens, ils n'ont de cesse de remplir des colonnes et des colonnes. En attendant l'arrivée en librairie, samedi, et l'apparition de l'auteur en chair et en os, cinq jours plus tard, dans un débat contradictoire face à Daniel Cohn-Bendit. Rares sont pour l'instant les avis unilatéraux, qu'ils soient positifs ou négatifs. Positifs, à l'instar de l'appréciation de l'hebdomadaire Focus qui parle du «roman antiguerre le plus impressionnant des dernières décennies». Négatifs, comme l'analyse d'Iris Radisch sur deux pages grand format de Die Zeit , porte-drapeau de l'intelligentsia libérale. Elle dit n'avoir trouvé «aucune réponse» à la lancinante question de savoir «pourquoi nous devrions après tout lire ce livre d'un idiot cultivé qui écrit mal, est secoué par des perversions sexuelles, et s'adonne à une idéologie raciste élitiste et une croyance antique dans le destin» . Jonathan Littell, en un mot, dérange. Preuve en est, la critique acerbe de Volker Weidermann dans le Frankfurter Allgemeine Zeitung , le journal qui en publie les bonnes feuilles et anime un reading room consacré à Die Wohlgesinnten , version allemande des Bienveillantes. «J'ai détesté ce livre dès la première page, dès la première phrase », confie-t-il . Mais c'est pour conclure que «si l'on a résisté à la tentation de le fermer à tout jamais, on est pris» .
Die Welt, quotidien conservateur, a provisoirement le mot de la fin en affirmant que l'œuvre « repousse, provoque et n'est à recommander à personne». Tout cela pour lui souhaiter, in fine, «beaucoup de lecteurs».