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 Le Roman des Jardin d'Alexandre Jardin

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LP de Savy
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Date d'inscription : 06/04/2005

Le Roman des Jardin d'Alexandre Jardin Empty
MessageSujet: Le Roman des Jardin d'Alexandre Jardin   Le Roman des Jardin d'Alexandre Jardin Icon_minitimeVen 2 Sep 2005 - 23:56

Alexandre, ou la réconciliation des Jardin

Le Monde Des Livres du 01.09.05

Et si Le Roman des Jardin (Grasset, 312 p., 18 €), ce livre-hommage aussi drôle qu'émouvant consacré à cette singulière tribu, était en réalité le tout premier roman d'Alexandre Jardin ?

A Paris, à quelques pas du square des Batignolles, dans le studio monacal qu'il s'est choisi pour bureau, le visage poupin de cet homme de 40 ans s'éclaire. "Le présenter ainsi n'est pas une imposture car il s'agit d'un premier roman, sans cesse repoussé pour des raisons personnelles et affectives. Je l'ai commencé deux fois, puis je l'ai arrêté. C'était encore trop tôt." Pourtant, il y eut auparavant Le Zubial (1), le livre qu'il consacra à son père, Pascal Jardin, scénariste et dialoguiste d'une centaine de films (Le Vieux Fusil, Le Chat, La Veuve Couderc...) et écrivain à la prose morandienne (2). "C'était une première incursion dans le roman familial, mais j'en étais absent. Là encore, c'était trop tôt. D'ailleurs peu après, j'ai pris peur et vite refermé le couvercle", lance-t-il dans un éclat de rire. Le premier d'une longue série qui viendront ponctuer la conversation. Rires de défense, rires pudiques, mais aussi rires d'une gaîté et d'une joie communicatives, liés sans doute au plaisir retrouvé dans l'écriture.

Ce plaisir, Alexandre Jardin l'a étouffé pendant plus de quinze ans, ajournant sans cesse ce rendez-vous avec lui-même et les siens, en se réfugiant derrière des romans "fabriqués", "hors la vie". "Je n'ai jamais écrit ­ à quelques chapitres près ­ qu'avec la distance d'un incroyant qui pratique son culte sans foi", avoue-t-il dans son livre. Reste que ses best-sellers vont rencontrer un écho des plus singuliers. Comme ce lecteur, surnommé Ferdinand dans Le Roman des Jardin, qui attend chaque opus du "troubadour du romantisme" pour calquer sa vie sentimentale sur celle de ses personnages. "Plusieurs de mes livres ont déclenché des Ferdinand, reprend-il. En fait, cela ne m'étonne qu'à moitié car mes héros, de manière quasi obsessionnelle et névrotique, ne sont traversés d'aucun démon, d'aucun doute, d'aucune fêlure. A l'inverse de moi. C'était exactement ce qui m'apaisait. En même temps, plus je recevais de lettres, plus j'avais le sentiment de devenir schizophrène. A terme, ce rapport à l'écriture est impossible à perpétuer, à moins de devenir cinglé. Françoise Verny, mon éditrice, l'avait compris, elle qui disait en me rendant mes manuscrits : "Chéri, où es-tu là-dedans ?" Elle attendait qu'il se produise quelque chose. Elle me brusquait, appelait la nuit pour que je me sépare de ma femme." Nouvel éclat de rire : "Mais c'était encore trop tôt..."

Aussi, après Fanfan, Alexandre Jardin quitte ce personnage jardinesque en diable, dont il dresse un portrait affectueux et truculent. Mais, à trop vouloir fuir sa part Jardin, celle-ci un jour le rattrape, juste après son divorce, marqué par trois années de débordements sentimentaux et sa rencontre avec Dizzi, comme il surnomme celui qui est devenu son éditeur chez Grasset. "Après Françoise - Verny -, je suis rentré dans cet isolement que connaissent les auteurs qui vendent et auxquels on ne dit plus rien. Pour écrire ce livre, j'avais besoin de quelqu'un qui m'empêche de faire marche arrière, qui me pousse dans mes retranchements et lève mes réticences."

Le vrai déclic, ce sera son demi-frère, Frédéric, qui le lui donnera, le jour où celui-ci décide d'entamer des démarches juridiques pour être reconnu comme le fils de Claude Sautet. "Le feu vert, c'est lui, explique Alexandre Jardin, Sans son accord , le livre ne serait pas paru. Un jour, il est venu me voir et m'a dit : "On arrête tout et on remet les choses d'équerre." C'était sa façon de dire non au roman dont il est issu et dont Claude Sautet a tiré César et Rosalie." Après un silence, "à sa manière, il a mit fin au système Jardin". Et à une folie romanesque dont l'écrivain avoue n'avoir livré qu'une "version light" afin de ne blesser personne...

Pour autant, même allégé, ce roman-vrai ne perd rien du souffle et de l'esprit de liberté qui anime ces "irréguliers" : Jean Jardin, le grand-père, dit le Nain jaune, directeur de cabinet de Pierre Laval à Vichy, éminence grise de la IVe République et financier occulte des partis politiques ; Simone, son épouse, surnommée l'Arquebuse, véritable maîtresse-femme, vivant hors du temps, d'amour et de littérature ; Pascal, flambeur et don juan impénitent, brûlant la vie par tous les bouts ; ou encore, l'oncle Merlin, champion du monde de magie, concepteur d'androïdes et de projets aussi insensés que celui de vider le lac Léman !

Ainsi, taillée à la (dé)mesure de leurs extravagances, cette fresque virevoltante nous plonge au coeur d'une comédie de moeurs, pleine de gaîté, de fantaisie débridée où la gravité, les conventions et le conformisme sont impitoyablement bannis. "A la Mandragore, écrit Alexandre Jardin, tout se passait comme si notre vie imaginaire avait autant de poids, sinon plus, que notre sort réel." C'est là, en Suisse, dans ce théâtre grandeur nature situé près de Vevey, la résidence des grands-parents où Alexandre passe ses étés, que Le Nain jaune perfuse les partis politiques de tous bords avec l'argent noir du patronat, tandis que l'Arquebuse orchestre, au fond du jardin, dans un cabanon alloué aux couples illégitimes, un vaste charivari amoureux où se mêlent ministres, acteurs, starlettes, meneuses de revue, prostituées, prélats, espions soviétiques...

"Mais, prévient Alexandre Jardin, que l'on ne s'y méprenne pas : la famille Jardin n'était pas seulement fantaisiste, elle fut un moment radical de liberté", auquel il rend un vibrant hommage, bienvenu en ces temps de "congélation collective" où "la société semble particulièrement fâchée avec l'idée même de plaisir".

A l'heure des comptes cependant, cette liberté radicale ne sera pas sans dommage pour les "double rate" (son père, meurt à 46 ans d'un cancer, alors que l'oncle Merlin et Emmanuel, son frère aîné, se suicideront...) et lui-même, qui ne cessera de se construire en réaction au "système Jardin". "En fait, reprend-il, je voyais ce que l'on voit pas, ordinairement. Que ce soit le financement des partis, qui a carbonisé ma vision de la représentation sociale ; ou les amants de ma mère qui habitaient chez nous. Tout était visible et surtout on en parlait librement, notamment avec ma grand-mère. Donc, fatalement, cela provoque à un moment donné une surchauffe dans votre esprit. Alors, après l'adolescence, soit vous entrez là-dedans à corps perdu, comme Emmanuel, soit vous prenez la fuite."

Lorsqu'on évoque la place des femmes Jardin, il confesse volontiers : "Elles étaient fortes, énigmatiques, et imposaient un rythme éreintant à tous ces hommes qui tombaient comme des mouches... Pour le petit garçon que j'étais, c'était fascinant mais aussi terrifiant."

Rien d'étonnant dès lors qu'il leur attribue les tout premiers rôles. A commencer par l'explosive Arquebuse, née pour aimer (à près de 80 ans, elle garde la fenêtre de sa chambre ouverte dans l'espoir qu'un cambrioleur lubrique vienne la visiter), et pour pimenter une vie qu'elle a bâti de mille et une romances et facéties. Parmi lesquelles le transfert d'un ver solitaire (baptisé Zoé) de l'intestin de sa gouvernante au sien, ou une mémorable virée à Reims pour retrouver un amour de 1943, à bord de l'Alfa Romeo de feu son amant Paul Morand, pilotée par Alexandre.

A l'opposé, Zouzou, "fil rouge" du roman, entrée comme nurse à la fin des années 1960, et qui, par son exotique normalité, va servir de garde-fou à un gamin passablement ballotté entre réel et fiction. Entre ces deux extrêmes, Louse, "femme hors format", maîtresse et épouse, rêvée sous les traits de Romy Schneider par son époux et son amant, mais aussi mère "éleveuse", qu'après maints détours son fils tente de saisir. "C'était hallucinant car en même temps qu'elle nous plongeait dans un véritable chaos, elle savait également nous structurer. En ce sens, elle me demeure assez incompréhensible. Et puis, il y a tellement de personnalités en elle que, même pour le romancier, elle est très difficile à approcher."

Aujourd'hui apaisé par ce livre de réconciliation avec les siens et sa part Jardin, qu'il assume désormais avec gaîté ­ - "je pense que cela ne risque plus de me tuer !" ­-, le romancier confie qu'il veut se donner du temps pour digérer ce texte. Ainsi, dans l'immédiat, va-t-il s'atteler à l'écriture d'un scénario pour Alain Delon, guest-star du dernier chapitre qui s'obstine à l'appeller Pascal... "Que voulez-vous, j'aime les monstres, les goinfres de vie, on ne se refait pas !".


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(1) Gallimard, 1997, et "Folio", no 3206.

(2) La Guerre à neuf ans et Guerre après guerre, de Pascal Jardin, avec une préface inédite d'Alexandre Jardin, viennent d'être réunis en un volume en poche (Grasset, "Les Cahiers rouges 320 p., 9,60 €).

Signalons la sortie en CD du Roman des Jardin lu par son auteur (Lire dans le noir, 5 CD, 23 €.)

Christine Rousseau
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