Propos insignifiants
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 Les menteurs de Marc Lambron

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LP de Savy
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MessageSujet: Les menteurs de Marc Lambron   Les menteurs de Marc Lambron Icon_minitimeMer 21 Sep 2005 - 16:30

Les menteurs

J’avais retrouvé Claire près de la fontaine Médicis. Que dire à quelqu’un que l’on n’a pas vu depuis vingt-cinq ans? La beauté brune d’autrefois était devenue une femme dans la mi-quarantaine. Elle portait un manteau beige, un pull à col roulé et des pantalons noirs. Elle m’a regardé avec un sourire, son air sérieux et légèrement moqueur à la fois.
Claire tenait à la main un quotidien du jour, janvier 2004, qui consacrait sa une au futur procès de Bertrand Cantat. Je constatai qu’une conversation interrompue depuis des années peut se renouer, avec le même ton, la même longueur d’onde, le tutoiement allant de soi. Tout en marchant vers le bassin du Luxembourg, nous avons évoqué l’affaire de Vilnius.
Je m’étais demandé dans quelle disposition je trouverais Claire. Nostalgique? Rétractée? Hérissée? Après tout, elle avait quelques raisons de me garder rancune. Mais non. Le premier abord, les mots que nous avions échangés, elle prenait tout en bonne part. Soudain, j’eus l’impression d’être ailleurs, au milieu d’un temps flottant. Le gravier qui crissait sous nos talons était pourtant réel, et Claire aussi était réelle, marchant à côté de moi, enveloppée dans son manteau.
Il était près de midi, mais les promeneurs restaient rares. Un balayeur égalisait le sable de l’allée, la rumeur de la ville venait mourir sous les arbres. Au milieu de la multitude d’événements qui se produisaient à cet instant, dont la plupart suivaient le cours routinier, usuel et affairé d’une matinée d’hiver à Paris, il s’en trouvait un qui prenait pour moi une résonance inhabituelle: nous étions en 2004 et j’allais retrouver deux femmes auxquelles je n’avais pas parlé depuis les années 1979 ou 1980. Je les avais rencontrées dans une autre ville, puis nous avions vécu dans celle-ci. Dix fois, le hasard ou la volonté auraient pu nous réunir. Cela ne s’était pas produit.
Au loin, parmi les arbres nus, j’ai vu se détacher une silhouette qui marchait vers nous.
- La voilà! s’est exclamée Claire.
Elle avait parlé avec un accent d’impatience, presque enfantin.
Karine s’avançait vers nous. L’allure était claquante. Manteau grège fait de peaux cousues, pantalons crème, sac flottant, bottes de daim, très chic bohème. Avec la mèche blonde sur l’œil, et toujours son maintien de diva. En se rapprochant, elle nous a fait un petit signe du genre «Bonjour les copains», en même temps qu’elle décochait un sourire à terrasser le parterre. Elle aurait fait une bonne actrice. En un sens, elle en était une.
Karine a ouvert les bras, les deux filles se sont embrassées, puis Karine m’a embrassé aussi.
- Such a long time, a-t-elle dit en nous dévisageant.
Il y avait sur les traits de Karine quelque chose que je ne lui connaissais pas. Les yeux embués, peut-être.

Depuis cette promenade de janvier, Claire et Karine ont dansé au fond de mes rêves comme des flammèches dans la main du diable. Un tissu de mots unit ma vie aux leurs quand le temps nous a séparés; elles sont les héroïnes du film perdu où j’ai tenu un rôle. Ce que l’indifférence disjoint, le regret l’accomplit. Il me plaît de les mettre en scène, mes amies sont devenues mes personnages, et j’ai dû prendre mon parti de leur évasive multiplicité. Si l’on ravaude sa mémoire avec celle des autres, alors j’ai volé à mes petites Parques le fil et l’aiguille. Elles me pardonneront bien, puisqu’un autre jour se lève déjà. Claire, qui aime tant Rimbaud, saura bien retrouver la citation: «... et tourné du côté de l’ombre, je vous vois, mes filles! mes reines!»

Avec l'aimable autorisation des éditions Grasset & Fasquelle
© Editions Grasset & Fasquelle, 2004

L'express en ligne, 13/09/2004
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LP de Savy
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MessageSujet: Re: Les menteurs de Marc Lambron   Les menteurs de Marc Lambron Icon_minitimeMer 21 Sep 2005 - 16:31

Génération Lambron

par Olivier Le Naire (L'express 13/09/2004)

Ni guerre ni révolution: l'auteur des Menteurs rédige la chronique, grave et ironique, d'une époque sans mythe fondateur, la sienne


S'il doit n'en rester qu'un pour regretter le XXe siècle, ce sera Marc Lambron. Le plus dandy des énarques-écrivains est un nostalgique si compulsif qu'il donna, voilà deux ans, un livre à la gloire des sixties en feignant presque d'oublier qu'il les avait traversées en culottes courtes. C'est là le drame des gens nés à la fin des années 1950: ils ont beau avoir tout eu - la pilule, la paix civile, des parents cool, des opiacés, des 33-tours et la majorité à 18 ans - ils cherchent encore des mythes fondateurs auxquels se raccrocher.

Dans Les Menteurs, roman très autobiographique où, à mi-parcours, il regarde à la fois dans le miroir et dans le rétro, Lambron lâche le morceau: «Nos parents avaient le monopole des souffrances de la guerre, nos grands frères avaient le monopole de Mai 68, nos petits frères le monopole de l'esprit d'entreprise et les gens encore plus jeunes le monopole du trash. Moi, je n'ai le monopole de rien.»

Après Houellebecq, qui, le premier, a mis en avant cette génération «sans qualités», Lambron dresse à sa manière l'état des lieux. Mais, loin de la misère sexuelle houellebecquienne, des camps naturistes et des supermarchés, lui raconte - côté salons - comment son monde est passé d'Althusser à Arthur et des hippies aux yuppies.

Le livre ouvre sur les retrouvailles de trois personnages, Karine, Claire et Pierre, qui se sont connus en khâgne, à Lyon, en 1975. Ils se sont croisés, ils se sont aimés, ils se sont quittés. Et Lambron leur donne la parole. Claire, cheveux teints au henné, jupes gitanes, «un séminaire poststructuraliste à la place du coeur», a filé en 1982 à Berkeley avant de devenir une mère et une prof rattrapée par la réalité du quotidien. Karine, alias «la reine de glace», a traversé la Movida en Espagne puis, renonçant à se marier, est devenue une journaliste de mode, une «collabo de la vie» papillonnant d'homme en homme. Quant à Pierre, il a quitté Normale sup et les soirées du Palace pour jouer les dandys cultivés dans les allées du pouvoir.

Un réjouissant musée des erreurs. En chroniqueur talentueux, Lambron a le chic pour flairer l'air des temps, balançant au passage ses coups de coeur, ses coups de blues. Et ses coups de patte. Ironique: «Il faudra m'expliquer pourquoi on n'a jamais autant parlé de partouzes que sous l'ère Jospin.» Observateur: «Le XVIe arrondissement? Des écoles privées assurant une endogamie dégénérative et des filles laissées dans une gazouillante jachère intellectuelle.» Grave: «Nous avons fini par opposer à la cruauté du monde le secret de nos vies privées. Si elles sont heureuses, c'est une amulette contre l'amertume: la vérité est plus triste que nous.» Malgré le constat doux-amer, son musée des erreurs est réjouissant, sautillant, avec un lot de people choisis: Alain Robbe-Grillet et Alain Pacadis, Naomi Campbell et Jean-Marie Messier, Nicolas Sarkozy et Bertrand Cantat...

«Nous ne sommes pas des personnages de roman, mais des personnages de mémoires», déplore Claire dans Les Menteurs. C'est peut-être le problème de ce livre presque trop brillant, qui fait le tour d'une époque sans vraiment faire le tour d'un homme. Quant à l'épilogue de cette quasi-autobiographie, on saura en novembre s'il débouche sur un happy end: le Goncourt.
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Fabien
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MessageSujet: Re: Les menteurs de Marc Lambron   Les menteurs de Marc Lambron Icon_minitimeMer 21 Sep 2005 - 17:57

Très bon livre, que j'ai lu l'année dernière !
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LP de Savy
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MessageSujet: Re: Les menteurs de Marc Lambron   Les menteurs de Marc Lambron Icon_minitimeMer 21 Sep 2005 - 18:53

J'ai eu envie de le faire et le temps a passé... Et le temps c'est terrible en matière de lecture !
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Fabien
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MessageSujet: Re: Les menteurs de Marc Lambron   Les menteurs de Marc Lambron Icon_minitimeMer 21 Sep 2005 - 19:34

Lors de la "rentrée" passée, il y avait eu aussi "Une vie française" de Jean-Paul Dubois, qui vient de sortir en poche. Intéressant à lire, mais moins bien à mon avis que le Lambron, moins vif, moins emmené, moins inspiré. J'ai ressenti une grande impression de vide en le finissant. De quelqu'un qui avait subi sa vie plus qu'il l'avait menée. Pas l'ombre d'une fulgurance. C'est sans doute ce que voulait communiquer l'auteur.

Cet été, dans un autre ordre d'idée, j'ai lu "Anges et Démons" de Dan Brown. J'ai bien aimé, comme le DVC, mais j'hésite toujours avant d'aborder ce sujet étant données les polémiques qu'il déchaîne, presque pire que Houellebecq ! Paradoxalement, il y a dedans des thèmes communs avec "La possibilité d'une île", comme l'affrontement entre la science et la religion.
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LP de Savy
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MessageSujet: Re: Les menteurs de Marc Lambron   Les menteurs de Marc Lambron Icon_minitimeMer 21 Sep 2005 - 21:50

J'ai beaucoup aimé Une vie française. Il faudra que nous en reparlions. Quant à Anges et démons, tu peux si tu le souhaites ouvrir un fil. Le forum est calme, je ne pense pas qu'il y aura beaucoup de polémiques.
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MessageSujet: Re: Les menteurs de Marc Lambron   Les menteurs de Marc Lambron Icon_minitime

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