Propos insignifiants
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LP de Savy
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MessageSujet: Portrait   Portrait Icon_minitimeLun 24 Oct 2005 - 11:32

Maurice G. Dantec, 46 ans, écrivain. Longtemps au firmament avec ses polars rebelles, ses prophéties antimusulmanes et ses flirts avec l'extrême droite ont écorné son image.

Underground zéro

Par Alain LEAUTHIER

lundi 24 octobre 2005 Libération


A la sortie du taxi, il a pensé fumer un petit «tarpé», une habitude du passé dont Maurice G. Dantec aura du mal à faire table rase. En revanche, côté idées, positions esthétiques et politiques, il y est allé carrément. Si fort même que les amoureux de ses livres inclassables ne le reconnaissent pas toujours. Prince du «cyberpolar» devenu prophète apocalyptique de la fin de l'Occident chrétien, l'auteur culte des Racines du mal souffre désormais d'une maladie compliquée : le catastrophisme. Il voit les vieilles démocraties en déclin, étouffées par le «nihilisme», incapables de «résister» à la vigueur du prosélytisme islamiste. Le thème irrigue son ultime Cosmos Incorporated, pavé foisonnant dont une suite est déjà prévue.

Cet antimodernisme énervé, de plus en plus présent dans son oeuvre, est devenu aussi une pose, une fanfaronnade opposée aux soixante-huitards avachis qui, selon lui, auraient lobotomisé les consciences contemporaines. Bêtes noires de cet ex-fan des seventies, lecteur de Deleuze et consommateur pas repenti de psychotropes : les «bobos de gauche», jugés complaisants à l'égard de la violence urbaine, systématiquement anti-Bush, pro-Bruxelles et élitistes. Du coup, de tempérament un peu binaire, Dantec «aime non seulement l'Amérique mais aussi les Américains», soutient l'intervention en Irak et le non à la Constitution européenne. Début 2004, une connerie plus grave lui a mis à dos nombre de ses anciens amis : deux mails envoyés au groupuscule d'extrême droite Bloc identitaire (ex-Unité radicale), pour dire son accord au combat «contre la dissociation de la France et l'islamisation de l'Europe». Avant, Dantec passait, au pire, pour un énième nouveau réac ­ attitude en passe de devenir le comble de la «branchitude rebelle» ­ aux côtés de caractères aussi divers qu'Alain Finkielkraut, Elisabeth Lévy, Philippe Murray ou Michel Houellebecq. L'envie saugrenue de dialoguer «sans tabou» avec les fachos du Bloc, dont il ne partage pourtant ni l'antiaméricanisme, ni l'antisémitisme à peine déguisé en antisionisme roublard, a sonné pour beaucoup la fin des indulgences.

L'homme est du genre timide arrogant : facilement blessé, aisément blessant. Et fort peu calculateur. En tournée promotionnelle, il assume crânement son image de «pestiféré» sans que l'on discerne ce qui relève de l'entêtement égotique ou de véritables convictions. La douleur, elle, n'est pas feinte : «J'ai pris en pleine face le mépris, l'incompréhension, la stupidité.» Dans le hall d'un trois étoiles parisien, deux Noirs l'ont reconnu et lui reprochent son racisme supposé. Il hésite. Un peu de crainte, vite niée : «Je pratique la boxe thaïe tous les jours, je ne suis pas bagarreur mais si on me cherche...» De la gêne. Et de la résignation. Quelques jours plus tôt, Dantec a «fait» Ardisson. «Je voulais y présenter des excuses aux populations immigrées qui auraient pu se sentir insultées par certaines présentations mensongères de mes positions. Car je n'ai rien contre les musulmans "en général" et je suis fondamentalement contre tous les racismes. Sans exception. Mais évidemment, ça, ils l'ont coupé au montage.»

Morale de l'histoire, selon l'écrivain : les médias lui auraient taillé une réputation d'ennemi idéal qui le poursuit jusqu'à Montréal où il s'est «exilé» en 1998 pour mettre sa compagne Sylvie et leur fille à l'abri «des bêtes sauvages des banlieues». Ces formules stupides («l'Eurabie») lâchées contre une pseudo-pensée unique trouvent aussi souvent leurs racines dans sa vie personnelle. En l'occurrence l'agression de sa femme, incident traumatique sur lequel il se referme comme une huître. «Contrairement à ce que l'on me fait dire, le problème, ce ne sont pas les beurs mais une certaine culture "nique ta mère", valorisée par les couilles molles de la communication.» Persuadé que procureurs et censeurs, forcément de gauche, l'ont à jamais banni, il conchie une intelligentsia décadente qui s'autoreproduirait. «Cela a commencé avec le premier Théâtre des opérations (son journal de bord politico-littéraire, ndlr), quand j'ai eu la prétention de sortir de la case cyberpolar. Quelle erreur, je n'avais pas mon diplôme pour penser ! Surtout que je ne pense pas comme certains s'y attendent. Et ça n'est pas d'aujourd'hui.»

Dantec date de sa fin d'adolescence son «virage à droite», même si en 1981, année de sa majorité, il a voté Mitterrand, «par atavisme». Les parents, militants communistes exclus du PCF mais toujours progressistes, ont quitté Grenoble pour Ivry-sur-Seine, en banlieue encore rouge. Journaliste scientifique, le père reste aujourd'hui un exemple chéri de «professionnel honnête qui ne fouille pas les poubelles». Au lycée Romain-Rolland, Jeunesse communiste et gauchos se disputaient le territoire. «Et moi je ne marchais pas dans cette combine.» Déjà à part, comme plus tard lors d'un mystérieux séjour dans l'ex-Yougoslavie en guerre, évoqué dans un flou artistique et implicitement flatteur. «A l'époque, je me suis fait avoiner à la fois par les gauchos et les petits fafs.»

En fait, étranger aux diverses orthodoxies léninistes, Dantec a baigné dans une sorte d'underground radical. La contre-culture avant la contre-révolution, résume l'historien Daniel Lindenberg dans un essai controversé sur les «nouveaux réacs». La trouble exécution des Ceausescu, après l'euphorique chute du Mur, marque pour lui la fin de toute innocence. Dégoûté de la politique, il s'est tourné vers les «textes sacrés» et n'en est pas revenu. Comme son cher Philip K. Dick, Dantec a autrefois ingurgité des drogues et s'abreuve de nourritures philologiques plus ou moins bien digérées, recrachées avec la sincérité de l'autodidacte ayant tout à gagner au royaume du verbe. Evidemment, on peut se moquer. L'écrivain Stéphane Zagdanski a affirmé, en gros, qu'il ne savait «ni penser, ni écrire». Son ex-pote et éditeur Patrick Raynal, récent retraité de la Série Noire, sauve l'écrivain pour mieux accabler le polémiste. Qui le lui rend bien. «Je ne suis pas un idéologue et Raynal est un traître sans honneur. On me dit confus ? La confusion, c'est une complexité que ne comprennent pas les autres.»

Cette incompréhension généralisée, dont il est à la fois victime et acteur, pourrait bien être son vrai sujet. «Pour vivre avec l'Autre, dit-il, faut-il encore qu'il y ait un Autre, c'est-à-dire une altérité respectée.» La sienne fascine, y compris une poignée de fachos qui tentent de récupérer les aspirations de ce néocatholique «papiste», baptisé le 7 février 2004, marqué par la pensée «christique» de Raymond Abellio, autre «maudit» suspecté de collaboration avant d'être absous et de se consacrer à la gnose. Dantec en est là. Pas à l'abri de nouveaux dérapages mais au bord des larmes devant des fans pas nécessairement d'accord avec ses dérives.

Fin septembre, après avoir été reçu et chroniqué sur tous les plateaux et dans toutes les gazettes, il est reparti vers la Nouvelle-France où il vit confortablement, jurant ne plus vouloir entendre parler de l'ancienne. Il semble de plus en plus seul et, quand il retire enfin ses sempiternelles lunettes de soleil, le sourire est celui de l'Idiot de Dostoïevski, le prince Michkine au coeur pur. Quelquefois, les mots, eux, semblent puisés dans les Décombres de Rebatet.
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