Les frères de la consolation de Patrick Besson

Deux Serbes courant le monde

par Jean-Rémi Barland
Lire, novembre 1998


Capable de sauter d'une époque historique à l'autre, peut-être parce qu'il craint plus que tout l'usure née des habitudes, Patrick Besson a fait franchir à ses personnages toutes les barrières sociales, les promenant par exemple dans la haute bourgeoisie de l'Amérique de McCarthy, la Russie de Pouchkine, la jungle des banlieues ou la société grecque du VIIe siècle avant Jésus-Christ. Dans son nouveau roman, Les frères de la consolation, il nous embarque, avec le même appétit carnassier et la même exigence esthétique, sur les rives du Danube et nous propose, via Paris, Londres, Anvers, Bruxelles ou l'Est américain, une plongée mouvante dans l'Europe du début du XIXe siècle. Ses héros Milos et Srdjan Stankovic sont deux frères serbes au caractère et au physique opposés. Le premier, revenu victorieux de la guerre d'indépendance en Grèce, est un athlète pragmatique. Le second est un poète idéaliste attiré par les arts et la vie parisienne.

Mélancolie princière
Ensemble, ils rejoindront dans la capitale française Milena, leur cousine blonde qui, mariée au comte de La Renardière, s'ennuie à mourir. Là, ils assisteront à la bataille d'Hernani, rencontreront Hugo, Nerval et Balzac, et si l'un d'eux tomba amoureux de la belle dame du monde, l'autre alla jusqu'à tenir Napoléon II dans ses bras. Un beau roman écrit avec une mélancolie princière, par lequel l'auteur brosse une fresque politique et sentimentale où nous sont dévoilées les principales facettes du romantisme. Et où sont au passage fustigées avec rythme et drôlerie toutes les hypocrisies sociales.

PATRICK BESSON :

Les Frères de la consolation (roman)

Milos et Srdjan Cerovic sont deux frères serbes que tout oppose : Milos, carrure d'athlète, tueur mélancolique, revient victorieux de la guerre d'Indépendance en Grèce (1821) alors que Srdjan, lettré et poète, l'attendait à Belgrade. Ensemble, ils comptent conquérir Paris où leur blonde cousine Milena s'ennuie, quoique richement mariée à un aristocrate cynique, le comte de La Renardière. Milos, moustachu et maladroit, se sent vite déplacé dans une ville civilisée dont les manières lui échappent. Srdjan fréquente Victor Hugo, Gérard de Nerval, allant jusqu'à séduire Delphine de Girardin dans l'intimité d'un fiacre. Milena ne sait qui aimer. Le comte se venge avec cruauté d'avoir aimé en vain. A partir de là, chacun ira vers son destin, heureux ou tragique. Dans cette fresque enfiévrée, Patrick Besson parvient à mêler intimement la fiction et la réalité : on découvre le Paris du romantisme, de la bataille d'Hernani, des riches profiteurs, des rapins de talent, des grisettes offertes et des femmes fatales. Défilent un Hugo homme d'argent, un Balzac toujours pressé, un Nerval délicieux et rêveur... C'est un roman rapide, joueur, rythmé, le roman du vice et de la vertu, des mots et des actes.

Patrick Besson est né à Paris en 1956. Romancier et essayiste, il est l'auteur, entre autres, de Dara (Grand Prix de l'Académie française ), Julius et Isaac, Les Braban (Prix Renaudot ) et La Science du baiser (Grasset).

http://www.edition-grasset.fr