Propos insignifiants
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 Mort de Jean-François Revel

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LP de Savy
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MessageSujet: Mort de Jean-François Revel   Mort de Jean-François Revel Icon_minitimeDim 30 Avr 2006 - 21:55

Le journaliste et académicien Jean-François Revel est décédé à l'âge de 82 ans

LEMONDE.FR | 30.04.06 | 16h09 • Mis à jour le 30.04.06 | 16h22

Le philosophe, journaliste, écrivain et académicien Jean-François Revel, décédé dans la nuit de samedi à dimanche à l'hôpital du Kremlin-Bicêtre, près de Paris, était un franc-tireur, une figure brillante et anticonformiste de la droite intellectuelle.

Né le 19 janvier 1924 à Marseille, Jean-François Revel - de son vrai nom Ricard - raconte, dans ses Mémoires, ses années de collège où il devient un "artiste de la grippe affectée, un virtuose de l'embarras gastrique provoqué, un prestidigitateur du thermomètre". Cela ne l'empêchera pas d'intégrer l'Ecole normale supérieure et d'être reçu à l'agrégation de philosophie.

Nomade, il est nommé à Tlemcen en Algérie (1947-1948) puis enseigne à partir de 1950 à Mexico, Florence, Lille et Paris. A partir de 1963, date à laquelle il quitte l'université, la littérature et le journalisme l'occuperont entièrement.

D'abord catalogué à gauche, il dirige les pages littéraires de France Observateur de 1960 à 1963, tout en étant jusqu'en 1965 conseiller littéraire aux éditions Julliard puis jusqu'en 1977 chez Robert Laffont. Il fonde et dirige la collection "Libertés" chez Pauvert.

"BÊTE NOIRE DE LA GAUCHE"

En 1957, son premier livre, Pourquoi des philosophes ?, démolit joyeusement le marxisme, Heidegger et Lacan. Suivront des titres où se côtoient des essais sur Proust, l'Italie ou la cuisine, souvent d'énormes succès comme Ni Marx ni Jésus, La Tentation totalitaire ou Comment les démocraties finissent. La phrase inaugurale de cet ouvrage résume l'esprit de cette bête noire de la gauche qui a pourfendu le communisme : "La démocratie aura peut-être été dans l'histoire un accident, une parenthèse qui, sous nos yeux, se referme".

Autre passion, le journalisme. Editorialiste à L'Express, Jean-François Revel devient en 1978 directeur de l'hebdomadaire. Il le dirige pendant trois ans, signe d'innombrables articles, "connaissant à la virgule près le contenu du numéro à sortir", se rappelle l'homme de lettres Angelo Rinaldi.

Cependant, Jean-François Revel démissionne de L'Express en 1981 pour marquer sa solidarité avec Olivier Todd, rédacteur en chef, licencié par Jimmy Goldsmith. Il entre ensuite au Point comme chroniqueur.

En qualité d'éditorialiste, il collabore également à des stations de radio comme Europe 1 (1989-1992) et RTL (1995-1998).

En juin 1997, Jean-François Revel est élu à l'Académie française au fauteuil d'Etienne Wolff.

Marié en secondes noces à l'écrivain Claude Sarraute, fille de Nathalie Sarraute, il est le père de plusieurs enfants dont Matthieu Ricard, un bouddhiste avec lequel cet athée a dialogué dans un livre à succès, Le Moine et le philosophe (1997).


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LP de Savy
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MessageSujet: Re: Mort de Jean-François Revel   Mort de Jean-François Revel Icon_minitimeDim 30 Avr 2006 - 21:59

Jean-François Revel reçu à l'Academie française

Le discours de réception de Marc Fumaroli

LEMONDE.FR | 30.04.06 | 16h18 • Mis à jour le 30.04.06 | 16h29

Il n'est pas fréquent, Monsieur, qu'un jeune homme aussi gaillard que vous ait déjà publié ses Mémoires, peu de temps avant d'être élu à l'Académie. C'est la première fois, si je ne me trompe, qu'un tel cas se produit. Vous avez ainsi rendu très difficile le plaisir de vous y accueillir. Je ne mesurais pas l'obstacle le jour où, dans un élan d'amitié et d'estime, j'ai accepté l'honneur que vous m'avez fait en me demandant de vous répondre. (...)

Mais vous, vous avez pris les devants : vous vous êtes si bien montré vous-même au naturel dans vos Mémoires que le discours de réception est déjà tout fait. Il est seulement un peu long. Résumez-moi, me direz-vous. Là commence la difficulté : comment réduire en portrait de style académique le héros truculent, guerroyant et picaresque du western d'aventures et d'action que vous avez intitulé : Le Voleur dans la maison vide ? Vous aviez une caméra-stylo et je n'ai qu'un pinceau.

Ce projet de portrait d'apparat, unique chance que vous m'ayez laissée de vous représenter après vous à vous-même, a dû très vite évoluer vers le portrait de groupe. Dans vos Mémoires, vous vous êtes donné l'avantage de la narration et qui plus est, de la narration à la première personne. Ces deux techniques donnent une forte impression d'unité. Sans doute, Revel raconte Ricard, Ricard juge Revel, le montage narratif entremêle les lieux et les temps, mais on entend toujours la même voix qui a mué autrefois et qui a mûri depuis. C'est la réussite littéraire de votre livre. Mais moi, à force de relire vos ouvrages, d'entendre vos amis si divers m'entretenir de vous, à force de vous faire poser vous-même à une excellente table de la rue du Cardinal-Lemoine, à mi-chemin de mon bureau du Collège et de l'île Saint-Louis où vous habitez, j'ai dû me rendre peu à peu à l'évidence : j'accueille aujourd'hui, au nom de notre Compagnie, dans un même et unique fauteuil, non pas un seul personnage, signataire de livres nombreux et célèbres, auteur notamment de Mémoires, mais bien plusieurs académiciens sous une seule identité et un seul habit brodé de vert. (...)

Cette société d'âges, d'activités et de loisirs différents, vous-même, je la représenterais volontiers autour d'une table très bien servie, car les festins d'un Revel ne sont pas, comme on sait, que de paroles. A côté des verres, parmi les bouteilles et les plats, la pile de vos livres atteste la fécondité de vos nombreux avatars.

Au bas bout de la table, je ferai voir d'abord un tout jeune Massilien des années 1938-1941. Il aurait pu être un élève de Quintilien, au IIIe siècle, ou un personnage adolescent de notre très regretté confrère Marcel Pagnol, sur l'autre versant de ce siècle-ci. (...)

Ce jeune Latin de teint clair est né en Provence en 1924, d'un père Iyonnais et d'une mère enracinée dans une Franche-Comté autrefois espagnole. Depuis le retour de ses parents du Mozambique, en 1929, il a grandi dans une belle et ancienne villa provençale, « La Pinède », au milieu d'un parc du quartier Sainte-Marguerite, à Marseille. (...)

Le jeune garçon étudie en externe, chez les jésuites, à l'Ecole libre de Provence, les auteurs latins et grecs, l'histoire, la philosophie. Le sens du péché n'inquiète pas son tempérament précoce : ses cousines de « La Pinède » et les baigneuses de la Corniche ne lui sont pas, de son propre aveu, farouches. Entre les études et les amours, il a une autre ressource, la bibliothèque et la conversation paternelles. Au banquet de toute une vie, je ne puis manquer de faire figurer, aux côtés de l'adolescent Jean-François Ricard, Joseph-Marie-Théophile, son père. Il lui doit les premières nourritures inédites qui irritent souvent contre lui ses régents jésuites, attachés aux auteurs du programme scolaire.

Ce père à sa manière lettré n'a pourtant pas fait beaucoup d'études, il est né dans une famille modeste qui compte des dessinateurs pour l'industrie textile Iyonnaise. Ancien combattant de 14-18, officier de réserve, deux fois croix de guerre, il doit, comme son frère, à un beau mariage d'être entré dans la moyenne bourgeoisie d'affaires. Comme ses amis, il lit l'Action française. Le maurrassisme avait poussé dans l'entre-deux-guerres de profondes racines en Provence, dont Maurras, natif de Martigues, est originaire. (...)

Dès 1941, de vives dissensions politiques explosent entre le père et le fils. Le jeune Jean-François quitte Marseille pour entrer dans l'hypokhâgne du Lycée du Parc à Lyon, réputée la meilleure de tout le Sud-Est. C'est maintenant un étudiant indépendant dont le destin échappe à sa famille, et qui embrasse, mais à sa manière, celui de sa propre génération.

Au Lycée du Parc, il retrouve les belles-lettres telles qu'on les cultive à l'Action française, en la personne du professeur Victor-Henri Debidour, ou à travers l'influence qu'a exercée au lycée de Clermont, sur plusieurs de ses camarades hypokhâgneux venus d'Auvergne, le jeune Pierre Boutang. L'Action française elle-même, directeur en tête, est d'ailleurs alors repliée à Lyon. Mais le choix de l'étudiant est fait en sens inverse. Il est entré comme courrier dans un réseau de résistance où son supérieur direct est un autre professeur, Auguste Anglès, futur auteur d'une érudite histoire de la première NRF.

Il évolue dans le milieu de la revue Confluences, que dirigent René Tavernier et Jean Thomas. Il y croise le futur introducteur de Heidegger en France, le philosophe Jean Beaufret. S'il a pris le parti politique opposé à celui de son père, cet engagement ne l'a pas éloigné, pas plus qu'Auguste Anglès, de la littérature. Sous le pseudonyme de François Fontenay, il publie dans Confluences de janvier 1943 une élégie qui ne doit rien aux sombres circonstances. (...)

Cette même année 1943, reçu de justesse au concours de l'Ecole Normale, le jeune résistant et poète « monte » à Paris, où cette fois son supérieur de réseau est un autre professeur, Pierre Grappin, ami d'Auguste Anglès.

Le destin de sa génération se précipite. Aussi bien à l'Ecole que dans les cercles de la Résistance, la défaite enfin évidente du totalitarisme nazi pousse à l'autre extrême idéologique la jeunesse pensante, qui entre en grand nombre, avec la foi du charbonnier, dans les rangs de la secte communiste.

Le jeune normalien, dont ses courageux états de service dans la Résistance avaient fait un chargé de mission auprès d'Yves Farge, commissaire de la République à Lyon, ne cherche pas à en tirer un parti de carrière. Tout au plus a-t-il fait jouer cette autorité éphémère en faveur de son père, qu'il va tirer à Marseille d'un très mauvais pas.

Est-ce ébrouement après une trop forte tension ? Est-ce déception des espoirs conçus dans la Résistance ? Est-ce réaction vitale à l'entrechoquement des fanatismes ? Ou bien est-ce tout simplement cette « ligne d'ombre » dont parle Conrad, et qu'il est si difficile de traverser entre jeunesse et maturité ?

Loin d'entrer en politique, l'archicube Ricard ne se préoccupe même pas de suivre l'autre chemin tout tracé qui se propose à lui : l'agrégation de philosophie. Dans mon portrait de groupe, à côté de l'adolescent gallo-romain et de l'étudiant résistant, fait son entrée un jeune bohème à la recherche d'une identité, quoiqu'il soit déjà chargé de famille. Il tâtonne dans diverses voies de traverse. Elles n'ont qu'un attrait commun : échapper à tout les enrégimentements pédantesques, qu'il s'agisse d'une préparation de concours, ou de la mise en carte de l'intelligence dans le stalinisme ou le stalino-sartrisme.

Ce bohème, qui se frotte, en même temps que beaucoup d'excellents esprits (un Peter Brook, un Louis Pauwels) à Gurdjieff et à ses « méthodes d'éveil », ou qui vagabonde en Egypte en compagnie d'un fils de famille fantasque et subtil, préfigure dès les années 1946-1949, les errances à la Kerouac et à la Ginsberg, dont il se fera plus tard, dans Ni Marx ni Jésus, l'observateur sceptique, mais attentif, dans l'Amérique des années 60. C'est au cours de cette période qu'il va se lier à André Breton, dont il restera l'ami jusqu'à la mort de ce grand poète. (...)

Toujours rebelle aux sentiers battus, après quelques mois difficiles à Paris, il obtient en 1950 un poste à l'Institut français de Mexico. Il ajoute à ses activités de professeur celle d'animateur d'un ciné-club de haute tenue, qui lui permet entre autres de révéler aux Mexicains les premiers chefs-d'oeuvre surréalistes, qu'ils ignoraient, de Luis Buñuel, installé pourtant depuis 1938 au Mexique. Il fait l'expérience des réalités de l'Amérique latine, et il se lie aux plus lucides intelligences du continent, un Mario Vargas Llosa, un Octavio Paz. Une étude au vitriol sur la société politique mexicaine, publiée dans la revue Esprit, I'introduit, mais sous un pseudonyme, dans le grand journalisme. (...)

Il est redevenu célibataire, il a des loisirs pour écrire, pour voyager, souvent en compagnie de son collègue André Fermigier, historien de l'art et fin lettré. C'est à Florence qu'il compose ses premiers manuscrits de longue haleine. C'est aussi à Florence qu'il devient, par l'expérience directe des oeuvres, dans la conversation des experts, et la préparation de cours, un historien de l'art sans diplôme, mais dont la suite des événements attestera les compétences. « On ne parvient à la culture, lit-on dans les Mémoires de notre multiple confrère, que par des voies obliques par rapport à l'enseignement officiel, quoique directes par rapport la culture même. »

Ces écoles buissonnières vont porter leurs fruits dès le retour à Paris du professeur Ricard, en 1956. L'année suivante, après publication en bonnes feuilles dans la revue qui avait été celle des Hussards, La Parisienne, dirigée désormais par François Nourrissier et où caracole Jean d'Ormesson, le pamphlet Pourquoi des philosophes ? fait, comme on dit en Provence, « un malheur ». Publiée par René Julliard la même année, I'Histoire de Flore, portrait de femme et roman semi-autobiographique, tombe à plat. L'homme de lettres débutant eût sans doute préféré le contraire. Le batailleur est comblé.

Le nom de Jean-François Revel est devenu célèbre, mais dans le tintamarre : les doctes que son pamphlet a maltraités y contribuent par leur mauvaise humeur ; journaux et hebdomadaires se bousculent pour obtenir sa signature ; le flair des politiques subodore dans ce talent pamphlétaire un allié souhaitable. Encore quelques années, et le succès va lui permettre, en 1963, de quitter l'éducation nationale et de vivre de sa plume. La ligne d'ombre est franchie, la vie de bohème terminée. Un grand journaliste et écrivain vient s'asseoir à notre table. (...)

Les réactions à son premier livre le prévinrent de ce qui l'attendait, et peut-être, le mirent en appétit. Pourquoi des philosophes ? a provoqué une véritable Querelle. Ses adversaires dénoncent une provocation de circonstance : la grosse colère affectée par un inconnu qui se fait connaître aux dépens d'illustres docteurs. Comme Molière écrivant La Critique de l'Ecole des femmes, Revel publie deux ans plus tard, sous le titre La Cabale des dévots, un bilan goguenard de la Querelle dont son livre a été l'objet. (...)

Les compliqués d'époque tardive qui, du haut de leur pensoir, échappent à la vérité et manquent la substance savoureuse des choses, avaient essuyé déjà la verve du pamphlétaire. On la retrouve, cette verve, dans l'autre livre, conçu lui aussi à Florence, qu'il publiera en 1960 : Sur Proust. Ce n'est pas un pamphlet. C'est un chef-d'oeuvre d'ironie. Proust est en effet devenu l'idole des compliqués. Quel régal de roi de montrer que la Recherche, véritable exercice au sens de Pierre Hadot, est le contraire de ce que ses idolâtres croient savoir de Proust, et que, de surcroît, semble confirmer sa correspondance maniérée ! Le poète de la Recherche, libérateur de Proust, pasticheur de Proust, regarde la vie en face, avec un sens comique aussi robuste que celui de Plaute ou de Molière. Il nous a légué, de sa chambre de malade, parmi ses fumigations, un merveilleux viatique de gai savoir. (...)
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LP de Savy
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MessageSujet: Re: Mort de Jean-François Revel   Mort de Jean-François Revel Icon_minitimeDim 30 Avr 2006 - 22:02

(suite)

Un autre personnage est venu dans l'intervalle prendre place dans mon portrait de groupe : Revel militant politique. Il tient à la main son premier pamphlet « engagé» : Le Style du général, publié en 1959, et honoré par un bloc-notes acide de François Mauriac. A l'arrière-plan de ce mousquetaire, décidé à en découdre avec le pouvoir personnel, se dessine peu à peu une silhouette à large feutre noir. Même dans l'ombre, nul ne manquera de reconnaître le singulier sourire de celui que l'on surnomme, depuis longtemps, Le Florentin. Il est en train d'écrire Le Coup d'Etat permanent, qui paraîtra en 1964. Il fait figure alors de champion du libéralisme politique et de la construction européenne, face à l'Etat UNR.

Les deux hommes, pour des motifs bien différents, se sont rapprochés en 1961. La nouvelle vedette de la presse et de l'édition avait été révulsée par les conditions et par le programme du retour du Général au pouvoir et il l'avait fait hautement savoir. Le déjà vieux routier de la politique, quant à lui, avait flairé dans ce malaise, partagé au centre comme à gauche de l'échiquier politique, sa chance d'opposer un jour rassemblement à rassemblement, et d'emporter la partie.

Le généreux est séduit, jusqu'à un certain point, par le très habile politicien. Il entre dans son gouvernement fantôme, au titre de ministre de la culture. Il se réjouit du ballottage inespéré de 1965, qui pose François Mitterrand, au second tour de la présidentielle, en David de l'opposition contre De Gaulle-Goliath, ce qui fait de cet heureux candidat battu le chef de l'opposition, de préférence à Mendès, à Defferre, à Lecanuet. Revel se présente même à la députation en 1967, sur l'une des listes FGDS les moins promises au succès, à Neuilly-Puteaux.

Dès 1972, il s'éloigne du tentateur. Le contre-rassemblement sur lequel François Mitterrand, après ses déboires en 1968, compte pour conquérir le pouvoir, n'est plus du tout ancré au centre, comme c'était encore le cas dans les dix années précédentes : il veut maintenant engranger le poids électoral des communistes, et son programme commun, pour l'essentiel, est celui que lui a dicté le parti stalinien.

L'éducation politique de l'écrivain Revel s'achève. Il s'est rapproché à la fois du Raymond Aron de L'Opium des intellectuels (1957) et du Jean-Jacques Servan-Schreiber du Défi américain (1967). Dès octobre 1972, il a l'audace de dénoncer, dans un éditorial de L'Express, les « scellements ignorés » qui rattachent en France l'arbitraire des idéologies dominantes, l'arbitraire de l'Etat et l'information biaisée dont souffre le public. Désormais, les assis de gauche voient en lui un affreux trublion.

Les livres qu'il va publier exposent avec une impardonnable vigueur dialectique les conclusions libérales auxquelles l'ont conduit ses nombreux voyages et séjours dans les pays de l'Est, en Amérique latine et en Amérique du Nord, et son expérience des coulisses de la vie politique française. La Tentation totalitaire, en 1976, est suivie, après quelques mois, par La Nouvelle Censure, un exemple de mise en place de la mentalité totalitaire où l'auteur, analysant les réactions furieuses à son livre, démonte les mécanismes de défense des chiens de garde de l'orthodoxie progressiste et range les rieurs de son côté. Le Rejet de l'Etat en 1984, Le Regain démocratique en 1992, scandent un long et patient effort pédagogique pour déniaiser les élites françaises, et les convaincre que l'Etat envahissant, de quelque nom dont on le pare, colbertiste, keynésien ou marxiste, n'est plus qu'un dinosaure : la liberté d'entreprendre est encore, ou de nouveau, la meilleure chance de vitalité et d'avenir pour les sociétés de la fin du siècle.

Pourtant, I'essayisme politique est très loin de résumer son existence. Tout en livrant, sur le Forum, cette bataille de longue haleine, et qui n'est toujours pas gagnée, le lettré a publié des essais étincelants dans les colonnes de France-Observateur et du journal Arts : ils ont été réunis depuis sous le titre Contrecensures. Il dirige chez Pauvert la collection « Libertés » qui publie ou réédite plusieurs courts chefs-d'oeuvre du pamphlet : La Littérature à l'estomac de Gracq, Nouvelle critique, nouvelle imposture de Raymond Picard. Autant de brûlots lancés dans le bunker de la pensée captive du Quartier latin. Un autre Revel, amateur et historien de l'art, fait traduire chez René Julliard les classiques américains, anglais et italiens de la discipline, et il écrit lui-même de nombreuses études dans L'OEil et dans Connaissance des Arts. (...) Comme vous le voyez, mon portrait de groupe s'est accru tout à coup de nombreux convives. Je n'aurai garde de manquer d'y faire figurer aussi le gastronome éclairé et le connaisseur des grands crus. Cet autre Revel a écrit un chef-d'oeuvre d'érudition élégante et de succulentes saveurs : le Festin en paroles. (...)

L'homme, public et privé, des années 70, est-il parvenu à ce dosage équilibré entre loisir lettré, luttes du Forum, et sagesse personnelle vers lequel il n'a, au fond, cessé de tendre depuis sa crise de jeunesse ?

Il s'en est beaucoup rapproché. Mais il a encore besoin de batailles publiques pour absorber le surcroît de sa prodigieuse vitalité et donner libre cours à son goût du défi. Peu à peu, il est passé du statut de grand journaliste, à France-Observateur, puis à L'Express, où il était entré comme éditorialiste de la section « livres » en 1966, à celui de capitaine de presse. Imaginez-le, tel qu'il apparaît alors, entre deux avions, deux conseils de rédaction, deux bouclages sur le marbre, deux coups de téléphone, deux révélations sensationnelles et soigneusement préparées, depuis qu'il est devenu en 1978 directeur de la rédaction de l'hebdomadaire fondé par Jean-Jacques Servan-Schreiber, et maintenant propriété de Jimmy Goldsmith. L'éditorialiste politique de L'Express est Raymond Aron. Pour le voir, pour l'entendre, évoluant entre ces deux personnalités de grand format et de style entièrement différent, souvenez-vous des pages les plus mouvementées de ses Mémoires. C'est Athos entre un Porthos des affaires et un Aramis de la pensée.

La rupture avec L'Express en 1981, I'entrée l'année suivante au Point, I'hebdomadaire rival fondé par Claude Imbert en 1972, inaugurent la longue saison dorée de Jean-François Revel. Elle dure depuis presque deux décennies déjà, fertiles et sereines à l'intérieur, toujours pugnaces à l'extérieur. (...)

Ces longues années au Point ont fait de vous un magistrat de la presse et des lettres, et un sénateur à vie de la politique française.

Faute de siège au Sénat de la République, récompense des hommes de parti, votre indépendance s'est tournée vers nous. Notre Compagnie, qui est faite d'une conjonction de singularités, I'a reconnue volontiers pour sienne et vous reçoit aujourd'hui, avec tous ceux que vous avez été tour à tour et à la fois, depuis votre enfance à la « Pinède », à la table de son propre banquet d'immortels. (...)

Vos Mémoires (mais aussi ma propre enquête et ma propre expérience) attestent votre don d'attirer à vous, sous tous les cieux, des amis de qualité, et de les garder. Ils sont nombreux aujourd'hui dans cette enceinte pour vous faire fête. En filigrane, votre autobiographie est un véritable traité De Amicitia. Mais elle ne cache pas, c'est le moins que l'on puisse dire, votre éloignement pour les Eglises, pour leurs dogmes, pour le socle sacré sur lequel elles affirment toutes jalousement reposer.

Ce culte de l'amitié et cette répulsion pour les cultes sont l'avers et le revers d'un même humanisme laïc parvenu à maturité. Vos prédilections vont aux époques, comme celle de Cicéron et de Sénèque, ou celle de Montesquieu et de Voltaire, où les dieux anciens sont morts, et où le Dieu nouveau reste encore caché. Dans ces parenthèses de l'histoire religieuse des hommes, la terre et non le ciel, la société et non l'après-vie, l'instant qui fuit et non l'éternité, sont le terrain d'exercice, pour des élites éclairées, d'un art de vivre ici-bas. Mais sommes-nous à l'époque des élites éclairées ? Vous avez démontré vous-même que les religions séculières peuvent être plus aveugles et plus féroces, et j'ajouterais beaucoup moins fécondes, que les religions de la transcendance.

On a pu s'étonner que, I'année dernière, dans un dialogue intitulé Le Moine et le Philosophe, vous ayez semblé rompre avec le Tantum religio suasit malorum de Lucrèce. Le succès de ce dialogue a démontré l'intérêt croissant pour le bouddhisme qui se manifeste dans l'Occident euro-américain. Il est vrai que, dans cet entretien qui a pour objet le bouddhisme tibétain, vous avez pour interlocuteur votre propre fils, Mathieu, qui fut l'un des meilleurs élèves à l'Institut Pasteur de notre confrère François Jacob. (...) Vous tenez bon dans ce dialogue la cause agnostique de la science et de la philosophie. La compréhension que vous accordez au bouddhisme s'adresse à une sagesse analogue au stoïcisme et à l'épicurisme antiques qui vous sont chers ; vous y reconnaissez une méthode pour approfondir la conscience verticale de l'instant, et non pas une religion de salut. L'amitié évidente qui vous unit à votre fils n'a pas fait de cet échange l'amorce de votre conversion : entre Jean-François et Mathieu, c'est l'expérience partagé du jardin de Candide, une conversation d'intelligences diversement orientées, et qui tient en respect, aussi longtemps qu'elle peut durer, le fanatisme et la terreur.

Votre humanisme laïc, que je situerais volontiers dans la tradition d'Alain, avec plus de chaleur généreuse dans votre cas, ne s'oppose pas à la science. Au contraire, il a besoin d'elle, elle a besoin de lui, il la complète dans l'ordre des moeurs. Il vise comme elle à rendre ici bas plus commode, plus raisonnable, moins douloureux et moins bref. (...) J'aurai rempli (...) mon office dans ce rite d'accueil si, en échange, j'ai le moins du monde réussi à faire sentir à tous que l'inspiration de vos diverses vies, de vos multiples talents, de vos convictions, de vos colères et de votre ironie critique, est en dernière analyse cette même bonté qui était l'âme de votre prédécesseur : c'était aussi, pour les Romains, la définition de l'orateur : Vir bonus dicendi peritus et, pour nous, de l'académicien français.

Le Ciel, parmi toutes les béatitudes qu'il dispense aux hommes à sa guise, a choisi, pour notre bonheur, de vous pourvoir sans compter de cette bonté qui fonde et qui anime le talent d'écrire. C'est pourquoi notre Compagnie vous accueille aujourd'hui à bras ouverts.

(Le Monde, 12 juin 1998)
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MessageSujet: Re: Mort de Jean-François Revel   Mort de Jean-François Revel Icon_minitimeDim 30 Avr 2006 - 22:05

Chronique, parue dans "Le Monde des livres" du 17 janvier 1997, à l'occasion de la sortie des mémoires de Jean-François Revel, Le voleur dans la maison.

Pamphlétaire, essayiste, patron de presse, éditorialiste, il a accumulé les rencontres, les combats, les querelles et les ressentiments. Comment tracer la frontière entre l'ironie qui libère et la hargne qui étouffe ? Ecrire ses mémoires, ce n'est jamais vraiment raconter sa vie. C'est plutôt choisir un profil et agencer quelques éclairages. Dans le fatras des souvenirs, un auteur se taille à coups d'ombre et de lumière, un parcours vraisemblable. Travail périlleux. Quand le narrateur est incolore, son existence s'efface sous les portraits des autres. Combien de livres pitoyables alignent ainsi des rencontres avec des hommes célèbres ! Leurs auteurs se croient importants parce qu'ils ont côtoyé des gens qui passent pour l'être. Ils se rengorgent d'avoir à rapporter une minuscule anecdote, un trait d'esprit inédit, une couardise microscopique mais inconnue, sans voir que cette piètre posture souligne seulement qu'ils sont eux-mêmes sans importance ni intérêt. Au contraire, quand le mémorialiste est une forte nature, il risque de n'apercevoir personne d'autre que lui- même. S'installant au centre du tableau, il ne va plus dépeindre sa traversée d'une époque, au milieu de cent autres contemporains. La seule description de ses gestes et ses tocades, de ses amours et ses virages occupera toute la place. Pour aimer le livre, il faudra aimer l'homme.

Jean-François Revel paraît difficile à aimer, bien qu'il ait tout, apparemment, pour susciter une réelle sympathie. Sa manière persistante de jouer au trublion inclassable, d'être perpétuellement brillant esprit et mauvais garçon, de mener toujours de front une carrière d'homme de pouvoir et de champion d'indiscipline, devrait lui valoir, outre quelques ennemis irréductibles, l'estime des amis de la liberté d'esprit. Le fait est qu'on devrait éprouver, pour cet hérétique à perpétuité, des sentiments respectueux et fraternels. Peu importe les postes et les places, cet homme qui fut successivement ou simultanément professeur de philosophie, journaliste, éditeur, directeur de L'Express, éditorialiste au Point, auteur de best-sellers considérables, est d'abord un réfractaire. Excessif, injuste, emporté, rigide, tranchant, querelleur, il le fut, l'est encore. Sans doute le sera-t-il toujours. Serait-ce donc le prix à payer pour être réellement vivant ? Serait-ce la rançon inévitable de l'indépendance ? La garantie de l'anticonformisme ? Rien n'est moins certain. Il conviendrait plutôt de distinguer, dans cette vie d'intellectuel atypique, ce qui appartient à la belle solitude des frondeurs et ce qui relève des servitudes de la hargne.

Du côté de la belle solitude, il y a les découvertes de l'enfance, dans la bibliothèque d'un père homme d'affaires amoureux de littérature, d'art et de mathématiques, les fascinations directes pour les grands textes, le mépris des intermédiaires scolaires, le goût de l'érudition buissonnière, le tranchant de la plume, qui tôt se remarque, aidant ce rebelle sans cause à entrer du premier coup à Normale sup en 1943. La participation du jeune normalien à des activités de la Résistance, les années passées ensuite au Mexique, en Algérie, en Italie sont encore du même ordre. Face à l'ennui prévisible d'une existence de professeur comme il faut, le jeune homme regimbe et se cabre. Le voilà qui s'emballe dans la bohème, le mariage, la secte de Gurdjeff, puis les postes d'enseignement excentrés sinon excentriques. De son passage chez Gurdjeff, "un imposteur et un escroc", Revel tire par expérience personnelle la leçon que les hommes peuvent "bâtir dans leur tête un attirail justificatif de n'importe quel système, fût-ce le plus extravagant, sans que l'intelligence et la culture puissent entraver cette intoxication idéologique". Pourquoi ce sage constat, digne d'un vrai lecteur de Montaigne, est-il si vite oublié ? Pourquoi le flegme laisse-t-il si rapidement place au fiel ?

Le charme de Revel, son malheur aussi, c'est évidemment l'excès. Il fait merveille dans le pamphlet. On lit encore sans déplaisir, à quarante ans d'intervalle, Pourquoi des philosophes ? Un jeune professeur en rupture d'époque rappelle que la philosophie doit penser juste et parler clair, houspille allègrement Heidegger et ses disciples, attribue à Lacan "un mallarméisme de banlieue " et "un hermétisme pour femmes du monde fatiguées". On retrouve dans ses Mémoires ses outrances et ses entêtements, l'allégresse en moins. Ayant choisi d'égratigner la gauche plus souvent que la droite, s'étant juré de bouffer du communiste comme d'autres, autrefois, bouffaient du curé, Revel n'étonne pas quand il fait de Mitterrand un "autocrate irresponsable", ou qu'il voit en Marchais "toute la suffisance de l'apparatchik et toute l'insuffisance du médiocre". Il ne souffle pas mot du personnel politique de droite et de ses insuffisances mis à part le récit d'un consternant dîner avec Balladur. Rien ne surprend non plus dans les diatribes dirigées contre Le Monde, en particulier "Le Monde des livres". Patrick Kéchichian est accusé de n'avoir pas fait son devoir à la mort du philosophe Tran Duc Thao, en parlant d'un "philosophe marxiste ", alors qu'il aurait dû souligner que ce phénoménologue, ayant rejoint le Vietnam communiste, s'était détruit intellectuellement. François Bott est accusé, parce qu'il se serait cru évincé de L'Express par Revel en 1966, d'avoir poursuivi cet auteur de sa " haine inextinguible ", " avec toute la vigilante rigueur d'un inflexible justicier ". Ceci est tout bonnement insensé.

Ce n'est pas le seul exemple d'excès sans joie. Les deux cents dernières pages de ces Mémoires, qui s'arrêtent en 1982, ne font guère honneur à leur auteur. Ce ne sont que règlements de comptes avec ses anciens collègues, sarcasmes envers ses anciens patrons ou adversaires, fulminations contre tel ou tel de ses contemporains pour des vétilles transformées en apocalypse. Si un critique s'amusait dans le même style, il pourrait s'indigner de voir ce professeur agrégé, qui se pique d'exactitude en histoire et se trouve prompt à tancer les autres, commettre l'erreur qui serait alors jugée grossière autant que fâcheuse de citer de manière inexacte et tronquée le titre de l'ouvrage de Charles Renouvier, Uchronie, esquisse historique aprocryphe du développement de la civilisation européenne tel qu'il n'a pas été, tel qu'il aurait pu être. Le critique, emporté par l'excès, stigmatiserait la faute suprême considérée alors comme irréparable et grotesque d'attribuer ce livre... à Félix Ravaisson ! Ce philosophe français du XIXe siècle n'a véritablement rien à voir, hormis une initiale identique, avec Renouvier ! "On a grassement daubé Félix Ravaisson, écrit Revel, ce philosophe oublié qui, au XIXe siècle, écrivit un livre au titre d'une prometteuse emphase : Uchronie, ou l'histoire telle qu'elle n'a pas été, telle qu'elle aurait pu être." On pourrait, derechef, dauber grassement. Mais non, tous les critiques ne jouent pas ce genre de jeu. Ce serait injuste. Des broutilles comme ça, mieux vaut les oublier.

Il y a au contraire des mémoires qui s'en souviennent, qui en font tout plat, qui le réchauffent à loisir, le mijotent dans son jus. Il est difficile de saisir l'exact moment où la bravade stimulante tourne à l'aigreur qui paralyse. Comment définir ce point de bascule où le polémiste aigu, heureux, acide succombe à la rancoeur et sombre dans le ressentiment ressassé ? L'échauffement joyeux de la raison est alors submergé par la noirceur de la bile. Les trouvailles de l'écriture sont noyées dans de grands coups de sang pour rien. La flamme de l'indépendance vacille sous les imprécations stériles. Le souffle de l'ironie se suspend, fait place à la fixation colérique sur un détail. L'effort pour être libre, pour briser à grands coups la chape de bêtise lourde qui nous guette tous, tout le temps, se transforme soudain en une raideur aveugle. Elle paraît clouer sur place, dents serrées, celui qui voulait courir en tous sens. N'était-ce pas Empédocle qui conseillait de jeûner de la méchanceté ?


Roger-Pol Droit
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MessageSujet: Re: Mort de Jean-François Revel   Mort de Jean-François Revel Icon_minitimeDim 30 Avr 2006 - 23:03

http://chezrevel.net/

Pour en savoir plus sur Jean-François Revel.
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MessageSujet: Re: Mort de Jean-François Revel   Mort de Jean-François Revel Icon_minitimeLun 1 Mai 2006 - 20:33

Citation :
L'utopie n'est astreinte à aucune obligation de résultats. Sa seule fonction est de permettre à ses adeptes de condamner ce qui existe au nom de ce qui n'existe pas.

Jean-François Revel, La Grande parade


J'aime bien cette citation sur la page d'accueil de ce site. De quoi faire réfléchir les révolutionnaires, si tant est qu'ils le puissent.

Il faudrait que je lise ses livres.
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MessageSujet: Re: Mort de Jean-François Revel   Mort de Jean-François Revel Icon_minitimeLun 1 Mai 2006 - 22:32

Je ne peux que te le conseiller. Même si j'ai quelques désaccords avec lui dans ses dernières analyses, je ne peux m'empêcher d'aimer ses livres.
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MessageSujet: Re: Mort de Jean-François Revel   Mort de Jean-François Revel Icon_minitimeMar 2 Mai 2006 - 13:55

Sébastien, je te rappelle qu'avant les utopies politiques du XIX ème, on trouve par exemple Utopia de Thomas More, grand chrétien s'il en fut. L'utopie est un horizon stimulant pour la pensée et l'action, rien de plus.

Pour moi, je n'aime pas trop Revel, même s'il a été lucide sur le marxisme avant bien d'autres. J'ai lu son autobiographie, qui m'a laissée de marbre.
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MessageSujet: Re: Mort de Jean-François Revel   Mort de Jean-François Revel Icon_minitimeMar 2 Mai 2006 - 21:43

Je ne savais pas que Thomas More avait été canonisé. Il n’empêche que le genre de l’utopie a quelque chose de mortifère, selon moi, surtout quand on cherche à la mettre en pratique hic et nunc. Jésus a bien dit que son Royaume n’était pas de ce monde, c’est pourquoi je me méfie des interprétations trop prosaïques de certains passages des Écritures.

Mais tu as raison sur un point : les révolutionnaires du XIXème siècle n’ont fait que séculariser un genre littéraire, dans lequel de nombreux chrétiens se sont illustrés (et avant eux, les prophètes juifs). Au Moyen Âge, beaucoup de faux prophètes, de messies, d’illuminés se réclamaient de l’Apocalypse, notamment ce passage qui évoque le second avènement du Christ et les mille ans de bonheur (millenium) promis à ceux qui auront suivi le Christ (20, 4-6), de sorte qu’on les a appelés millénaristes :

Citation :
L'historien anglais Norman Cohn explique que le millénarisme est une religion de salut, mais d'un salut bien particulier, qui est tout à la fois collectif, terrestre, imminent, total et miraculeux :
1. Le salut n'est pas individuel, mais collectif.
2. Il est terrestre, car il sera réalisé dans ce monde.
3. Il est imminent et non pas lointain.
4. Il est total, car le nouveau régime sera une société parfaite.
5. Enfin, il est miraculeux, car il sera accompli par des forces que la volonté humaine ne peut infléchir.

Les millénaristes croient que le royaume de Dieu sera réalisé sur terre et, dans cette attente ardente, sont prêts à tout bouleverser pour en hâter l'avènement. Ils se réclament de l'Eglise primitive et du mode de vie apostolique, tels que les décrivent les Actes des apôtres, et ils s'opposent à l'Eglise catholique, qu'ils accusent d'infidélité au christianisme authentique. Ce trait les rapproche, jusqu'à un certain point, des divers mouvements de réforme qui, à l'intérieur de l'Eglise ou en dehors d'elle, ont plaidé pour un retour aux sources de la vie chrétienne. Mais que l'on ne s'y trompe pas ; les mouvements millénaristes sont révolutionnaires et rejettent les réformes comme une duperie. Ils les dénoncent comme un subterfuge visant à sauver l'ordre ancien. C'est ainsi que Thomas Müntzer a vu dans Martin Luther "la Bête de l'Apocalypse" et "la Prostituée de Babylone". (Luther a répliqué par son pamphlet "contre les bandes de paysans pillards et assassins".)

Le socialisme et le péché originel

Si l'utopie se contente d'être un simple genre littéraire, elle ne pose pas de problèmes. C'est lorsqu'elle devient une référence pour changer le monde qu'elle est dangereuse. Revel n'avait pas tort de critiquer sa mauvaise influence sur tous les chambardeurs de sociétés.
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MessageSujet: Re: Mort de Jean-François Revel   Mort de Jean-François Revel Icon_minitimeMer 3 Mai 2006 - 15:45

Mais si, il s'agit bien de changer le monde (il faudrait être bien Tartuffe pour se satisfaire benoîtement de l'état des choses), y compris, d'une certaine manière, par la littérature, et même sans croire à des résultats tangibles, immédiats..
Mais à condition de ne pas croire qu'on peut le changer à coups de tribunaux révolutionnaires et de kalachnikov, et d'être persuadé qu'on ne change pas les autres sans efforts pour se changer soi-même.

Pourfendre l'utopie d'un Staline ou d'un Pol Pot, ça peut avoir un intérêt majeur sur le moment, ça ne donne pas pour autant le jour à une oeuvre bien durable.

Enfin, c'est mon avis, rien de plus...
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MessageSujet: Re: Mort de Jean-François Revel   Mort de Jean-François Revel Icon_minitimeJeu 4 Mai 2006 - 23:15

Un résistant dans la lignée de Tocqueville et de Raymond Aron

LE MONDE | 02.05.06 | 13h25 • Mis à jour le 02.05.06 | 16h03


On craint de froisser ses amis. Devant un jour parler, devant Revel, d'un de ses livres politiques, je m'aventurais à comparer sa pugnacité à celle des fantassins espagnols décrits par Bossuet dans son éloge du Grand Condé. Je guettais son approbation. Il opina avec plaisir. Je peux donc reprendre la comparaison : ses livres comme des "gros bataillons serrés, semblables à autant de tours, mais à des tours qui sauraient réparer leurs brèches, demeureraient inébranlables au milieu de tout le reste en déroute et lanceraient des feux de toute part". Ainsi était Revel, magnifique, campant dans cette époque qu'il n'aimait guère et tiraillant par tous ses livres et ses articles, indifférent aux modes et à l'air du temps. Mais ce polémiste était en définitive bienveillant et bienfaisant.

Pour quelle cause combattait-il ? Il l'a dit simplement : "Si un sens philosophique existe encore, il consiste, comme le sens de l'art, à savoir déceler les faux." De même, quand il a publié Une anthologie de la poésie française, il a d'emblée précisé qu'il n'accepterait aucun compromis entre le respect des réputations et son propre goût nourri de sa propre expérience de lecteur qui, il faut bien le dire, excluait Claudel et Péguy. Il ne croyait pas à la clarté intrinsèque de la langue française, mais il pensait qu'on devait être clair. D'où ses chapitres sans complaisance sur le docteur Lacan et sur beaucoup d'autres contemporains.

Philippe Raynaud a remarqué finement que son oeuvre s'organisait comme celle de Taine. A plus d'un siècle de distance, on retrouve, en effet, chez les deux normaliens, la même suite de séquences. D'abord la critique des philosophes français (soumis, pour Revel, à la dogmatique allemande) et la même méfiance à l'égard de l'université. Puis l'amour de l'Italie et l'intérêt pour les Arts. Ensuite la reconnaissance de l'influence anglaise (pour Taine), américaine (pour Revel), sur l'évolution de la culture, de la politique et de l'économie modernes. Enfin la critique de la dictature jacobine et de ses conséquences, pour Taine, et celle du communisme et du socialisme, pour Revel. Taine à la fin de sa vie s'était pratiquement converti au protestantisme, religion du libéralisme politique.

L'UNITÉ DE L'OEUVRE

Revel est passé de la gauche à la droite, mais, social-démocrate ou libéral, il a toujours été dans l'opposition autant à l'égard de nos institutions et de nos dirigeants qu'à l'égard de notre façon de penser la politique. En cela il appartient à ce courant désenchanté qui, de Tocqueville à Raymond Aron, propose aux Français de changer leurs moeurs politiques.

Il a mené trois combats : la résistances aux fausses gloires ; la résistance au style obscur ; enfin, la résistance aux mythologies politiques. Revel, comme Voltaire, aimait les jésuites comme éducateurs mais s'était éloigné du christianisme. Il était passé par une forme de mysticisme oriental qui ne l'avait pas convaincu, puis avait rejoint, définitivement, ce scepticisme classique pour lequel la philosophie s'arrête à Hume et à Kant. A ses yeux restaient les sciences, reposant sur l'expérimentation, l'art de vivre pour lequel les moralistes, comme Montaigne comptent plus que les faiseurs de système, et l'art politique au service de la liberté et des progrès réels.

Un an après avoir publié ses Mémoires, il a confié à Commentaire un chapitre que tout le monde lui avait conseillé de retrancher du volume, mais qu'il tenait à publier séparément. Il l'avait intitulé "Supplices de la notoriété". On s'étonnerait de voir un académicien célèbre se plaindre ainsi. Il tenait pourtant à proclamer que "la notoriété circule, en ce qui concerne les auteurs, entre les doigts de cambistes culturels qui recourent à tous les moyens possibles de s'informer et d'"informer", d'inventorier nos idées et de portraiturer nos personnes, sauf le principal, lire les livres et les articles".

Voilà ce que réclamait Revel, pour lui et pour tous, qu'on lise pour juger. Maintenant que nous allons ranger sur un seul rayon ses livres qui étaient dispersés entre la philosophie, la littérature, l'histoire, la politique, l'art, la gastronomie, l'unité de son oeuvre paraîtra évidente : celle d'un homme suffisamment ami des autres hommes pour n'avoir écrit que ce qu'il pensait être vrai.

Jean-Claude Casanova

Article paru dans l'édition du 03.05.06
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MessageSujet: Re: Mort de Jean-François Revel   Mort de Jean-François Revel Icon_minitimeVen 5 Mai 2006 - 0:12

Par François Nourissier de l'Académie Goncourt

04 mai 2006, (Rubrique Figaro Littéraire)

François Nourissier rend hommage au courage de l'homme et à l'intellectuel de tous les combats.

Un après-midi du printemps 1957, je m'arrêtai devant le bel immeuble Julliard, rue de l'Université, pour aller saluer l'éditeur. J'entrai en demandant : «Rien pour nous, René ?...» «Nous», c'était alors La Parisienne, qu'en compagnie de Jacques Laurent, Jean-Baptiste Dardel, Jean-Luc de Carbuccia, nous «animions» dans un style aléatoire et cahoteux. René Julliard me désigna des épreuves posées sur son bureau : «Il y a là le premier roman d'un professeur de trente-trois ans, exilé dans les lycées et instituts français de Mexico, Florence...» – «Un prof... Et ça ?» – «Ça, ce n'est pas pour vous : pamphlet, philo...» – «Vous me le passez ?» Le titre ? Pourquoi des philosophes ? C'est ainsi que le plus célèbre essai de Revel parut en bonnes feuilles dans deux livraisons de la «boutique de farces et attrapes» de l'avenue Rapp. S'ensuivirent cinquante années d'une cordialité vigilante, d'une solidité massive, d'une fidélité sans phrases mais sans démenti. J'en resterai donc sur cette apparence de Revel – un rocher tombé au milieu de la route. Elle l'exprimait à merveille.

Revel paraissait à jamais incapable de se placer dans le courant de la mode. Dandy à la façon des intellectuels italiens si élégants, Revel occupait parfois la peau tendue, sanguine, du parfait professeur (parfait mais intraitable) dont c'était alors le règne entre «premières supérieures» et agrégation. Pris dans la violence sourde d'un débat, Revel ne lâchait jamais une position intenable.

Il semblait posséder une inépuisable réserve d'ironie. On renonçait vite à lui faire lâcher prise. Le debater paraissait scellé, soudé à ses positions. Il ne céda jamais sur ses articles de foi : la passion anticommuniste, le «rire libéral». Il était un Raymond Aron volontiers moqueur et membre du Club des Cent.

Une certaine France à la Péguy n'était pas son affaire, m'a-t-il semblé... Et pourtant, n'y avait-il pas un peu du courage des poilus dans les gardes et les charges de notre éternelle infanterie ? Revel avait 82 ans : il pèse son juste poids.
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MessageSujet: Re: Mort de Jean-François Revel   Mort de Jean-François Revel Icon_minitimeVen 5 Mai 2006 - 11:19

Hum, hum, Tocqueville, Raymond Aron...pour un pamphlétaire et un jounaliste, même courageux et lucide souvent, même un grand journaliste. Il n'y aurait pas là une pointe de surenchère, journalistique elle aussi ?
Sans doute Revel n'est-il pas trop ma tasse de thé :ironie libérale, éloignement de toute forme de religiosité. Mais enfin ce n'est pas parce qu'on est brillant, normalien et agrégé qu'on est comparable aux plus grands. Que diront un jour de l'aimable et talentueux Jean d'Ormesson ses confrères, dans leurs hommages posthumes ? Qu'il tenait à la fois de Paul Morand et de Jean Giraudoux ?

(Pour le plaisir de te relancer la balle, cher LP)
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MessageSujet: Re: Mort de Jean-François Revel   Mort de Jean-François Revel Icon_minitimeVen 5 Mai 2006 - 22:18

Alix a écrit:
Hum, hum, Tocqueville, Raymond Aron...pour un pamphlétaire et un jounaliste, même courageux et lucide souvent, même un grand journaliste. Il n'y aurait pas là une pointe de surenchère, journalistique elle aussi ?
Sans doute Revel n'est-il pas trop ma tasse de thé :ironie libérale, éloignement de toute forme de religiosité. Mais enfin ce n'est pas parce qu'on est brillant, normalien et agrégé qu'on est comparable aux plus grands. Que diront un jour de l'aimable et talentueux Jean d'Ormesson ses confrères, dans leurs hommages posthumes ? Qu'il tenait à la fois de Paul Morand et de Jean Giraudoux ?

(Pour le plaisir de te relancer la balle, cher LP)

Pour Jean d'Ormesson, tu as raison, c'est certainement ce qu'il se produira. On ne peut pas s'empêcher de trouver des ressemblances alors qu'il ne s'agit que de filiations. Il est vrai que Raymond Aron est une plus grosse pointure que Jean-François Revel, sans parler du don de vision de l'ami Tocqueville.
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MessageSujet: Re: Mort de Jean-François Revel   Mort de Jean-François Revel Icon_minitimeSam 6 Mai 2006 - 10:03

Valeurs Actuelles n° 3623 paru le 5 Mai 2006

A PROPOS

Hommage À Jean-François Revel…

Comme si l’air du temps leur était devenu irrespirable, un par un les réfractaires s’éclipsent… Après Philippe Muray, récemment et précocement disparu, voici Jean-François Revel qui prend congé, à 82 ans, au terme d’une vie bien remplie, jalonnée de combats et d’éclats, de passions et de partis pris, de succès et – de la part de ceux que sa plume lacéra – de rancœurs cuites et recuites.

Très tôt, Jean-François Ricard alias Revel avait montré qu’il préférait passer pour un homme à paradoxes plutôt que pour un homme à préjugés, et que les chemins de traverse le tentaient davantage que les sages avenues qui mènent aux grandeurs d’établissement. À l’école, il dédaignait déjà les manuels pour la fréquentation directe des grands auteurs, et séchait les cours pour vagabonder, ce qui ne l’empêcha pas d’entrer à Normale Sup et de décrocher l’agrégation de philosophie.
Pour d’autres, une carrière sans imprévus s’annonçait, avec une chaire à la Sorbonne ou au Collège de France. C’était sans compter avec l’esprit nomade et le goût de l’indépendance d’un homme qui, nouvel avatar d’Ulysse, n’aimait rien tant que de se démultiplier et de s’immerger dans le “grand fleuve Diversité”.

Participation à la Résistance, puis vie de bohème, et passage rapide chez Gurdjieff, l’un des précurseurs des gourous qui devaient faire fureur dans les années 1970, avant d’enseigner quelques années, à l’étranger. Mais le statut de “philosophe salarié” n’est décidément pas pour lui. En rupture avec le conformisme ambiant, son premier pamphlet, Pourquoi des philosophes, vigoureuse attaque contre l’hermétisme et l’heideggérianisme à la mode marque l’entrée en lice du polémiste Revel.

Présent sur tous les fronts – l’édition (chez Pauvert, Julliard, Plon), le journalisme (d’abord à France Observateur, puis à l’Express, dont il fut un temps directeur, enfin au Point, sans oublier Europe 1 et RTL), et, bien sûr, l’écriture avec des essais qui ont fait date dans l’histoire intellectuelle de l’époque : Ni Marx ni Jésus, la Tentation totalitaire, Comment les démocraties finissent, le Terrorisme contre la démocratie, l’Obsession antiaméricaine, etc.
Jean-François Revel n’a jamais dévié, malgré un apparent éclectisme et son évolution de la gauche vers la droite, de quelques principes intangibles : la lutte contre tous les totalitarismes, la défense du libéralisme, l’apologie de la clarté, partant la dénonciation de l’imposture et du mensonge.

Esprit mobile, son penchant naturel à la dissidence l’aura préservé de l’esprit de système comme de tous les corporatismes et les sectarismes, tandis que son hédonisme méridional l’aura fait se pencher, avec gourmandise et talent, sur les aménités de l’existence, de la gastronomie au voyage, de la flânerie à la poésie, en professeur de “gai savoir”.
Comme Chateaubriand, cet “anarchiste conservateur” s’est voulu à la fois « en dedans et à côté » de son siècle, sur lequel il posa le regard proche et distancié, lucide et sceptique, d’un héritier des Lumières qui sut éviter les pièges du culte de la raison et du progrès. En lui, c’est à la fois un disciple de Voltaire et d’Orwell que nous perdons.

Bruno de Cessole
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MessageSujet: Re: Mort de Jean-François Revel   Mort de Jean-François Revel Icon_minitimeSam 6 Mai 2006 - 10:05

03.05.2006

Nécrologie

En quelques mois, sont morts Vladimir Volkoff, Jean Mabire, Philippe Muray et Jean-François Revel ; tous, à leur manière, étaient des esprits libres.

Pharamond
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MessageSujet: Re: Mort de Jean-François Revel   Mort de Jean-François Revel Icon_minitimeSam 6 Mai 2006 - 11:29

Qui est-ce, Jean Mabire ?
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Sébastien
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MessageSujet: Re: Mort de Jean-François Revel   Mort de Jean-François Revel Icon_minitimeSam 6 Mai 2006 - 11:57

Une figure des milieux nationalistes, donc a priori quelqu'un assez éloigné de tes idées :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean_Mabire
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MessageSujet: Re: Mort de Jean-François Revel   Mort de Jean-François Revel Icon_minitimeSam 6 Mai 2006 - 12:56

Cher Sébastien, on ne va pas refaire de la polémique de style EV sur le blog-forum documentaire très policé de notre ami Hannibal. Je n'en dirai pas plus. Tous les esprits libres, de droite ou de gauche, de bonne tenue, comprendront ce que je m'abstiens de dire.
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MessageSujet: Re: Mort de Jean-François Revel   Mort de Jean-François Revel Icon_minitimeSam 6 Mai 2006 - 13:09

Le fait d'être ultraminoritaire et à contre-courant ne suffit pas à définir l'esprit libre.
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MessageSujet: Re: Mort de Jean-François Revel   Mort de Jean-François Revel Icon_minitimeSam 6 Mai 2006 - 13:43

Sur ce forum, tu as posté un entretien d'Elisabeth Lévy avec George Steiner. Et voici comment elle le présente :

Citation :
Préférant Céline à Aragon, le critique ne cache pas son admiration - littéraire - pour Rebatet. Et son amitié pour l'ancien Camelot du roi et métaphysicien Pierre Boutang ne s'est jamais démentie. Goûts et affinités qui lui valent une réputation sulfureuse au sein de l'intelligentsia parisienne.

George Steiner

Pour moi, Rebatet et Boutang étaient des esprits libres, en dépit de leurs idées contestables. Et je pense que Steiner ne me démentirait pas. Sans vouloir comparer Jean Mabire avec ces prestigieux écrivains, je crois qu'il méritait aussi cette appellation, quoique je n'aie lu aucun de ses livres.
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MessageSujet: Re: Mort de Jean-François Revel   Mort de Jean-François Revel Icon_minitimeSam 6 Mai 2006 - 16:04

Tu sais bien que je ne suis pas sectaire. J'ai lu du Brasillach, du Drieu, du Bardèche avec intérêt et profit. Un de ces jours, je vais peut-être lire Rebatet et Boutang.
C'est pourquoi je ne comprends pas pourquoi, par simple volonté de provocation, tu ratisses les fonds de poubelle du net -tous ces blogs qui flirtent clairement avec des thèses néo-nazies- au petit bonheur la chance et en tires des références suspectes que tu ne maîtrises pas (merci de l'honnêteté avec laquelle tu le dis). Tu es un être pensant et responsable, que diable ! Ou bien serais-tu véritablement au fond du fond un adepte de ces thèses ?

Sans pousser bien loin l'enquête, on peut bien comprendre que Steiner, Volkoff, Boutang, Revel et les autres vomiraient tout rapprochement avec ce Mabire.
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Sébastien
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MessageSujet: Re: Mort de Jean-François Revel   Mort de Jean-François Revel Icon_minitimeSam 6 Mai 2006 - 16:40

Pense ce que tu veux, Alix. Je me demande comment une personne aussi intelligente que toi s'abaisse à dialoguer avec un idiot comme moi. Derrière tes faux airs de tolérance, tu ne caches pas le mépris que tu as pour moi. Cela ne me dérange pas outre mesure mais ne me considère plus comme ton ami.

Quand tu auras retrouvé ton calme, tu mesureras l'énormité de ce que tu viens de dire, notamment ceci : "tous ces blogs qui flirtent clairement avec des thèses néo-nazies".

Epluche bien le blog de Pharamond auquel j'ai renvoyé et montre-moi en quoi ce blog flirte avec le néo-nazisme.

Je ne répondrai plus à tes questions, ayant mieux à faire que de polémiquer avec toi. Garde tes idées de gauche et évite à l'avenir de dialoguer avec des gens qui braconnent sur les terres de l'extrême droite.
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LP de Savy
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MessageSujet: Re: Mort de Jean-François Revel   Mort de Jean-François Revel Icon_minitimeSam 6 Mai 2006 - 23:44

Revel l'insoumis

Aucun courant ne le détournait de son cap. Contre le fascisme, il paya de sa personne dans la Résistance. Il fut un de nos rarissimes grands dissidents intellectuels à se lever contre le communisme. Il conférait en quatre langues sur tous les continents, adorait la corrida et la bouillabaisse. Jean-François Revel est mort le 30 avril, à 82 ans.

Claude Imbert

Il fut mon maître et mon ami. Jean-François Revel était un des esprits les plus fermes et les plus libres de notre époque de pensées conformes. Un insoumis qui n'allait pas à contre- courant par bravade, mais parce que, nageur puissant et solitaire, aucun courant ne le détournait de son cap. Il n'aimait pas Descartes, n'avançait pas masqué, et pourtant il fut, à sa manière, ce « cavalier marchant d'un si bon pas » pour examiner, démontrer et convaincre. Libre de tout, sauf de sa raison et de sa conscience. Souvent, je me fiais plus à lui qu'à moi.

Au grand théâtre des lettres et de la politique, on le figure en maître d'armes, une rapière de plume à la main. C'est d'ailleurs ainsi que je le découvris dans son deuxième essai où il éventrait tous les clichés qui momifiaient encore l'Italie. Il enseignait alors à Florence, comme il enseigna en Algérie ou au Mexique. Cette vocation itinérante, cette curiosité exotique, sa vie durant, le maintint aux aguets du monde. Familier des lettres anglaises, espagnoles, italiennes, voyageant et conférant en quatre langues sur tous les continents, écoutant dès potron-minet sa chère BBC, Milan, Madrid et tutti quanti, Jean-François fut, avant l'heure, le plus mondialisé de notre fratrie.

De son épée de mousquetaire il se pressa de crever les solennités jargonneuses de la secte philosophe, ferraillant contre le marxisme dominateur. Et contre le colonialisme encore épanoui. Mais le plus éminent de ses combats, il le livra contre les deux grandes frénésies du dernier siècle.

Contre le fascisme, il paya, encore étudiant, de sa personne, dans la Résistance. Contre le communisme, il fut un de nos rarissimes grands dissidents intellectuels, alors que le gros des clercs de France, bénis par Sartre, s'énamourait de Moscou ou de Pékin ! Aujourd'hui encore, son considérable mérite souffre de déranger, chez l'intellectuel de gauche et les ex-« collabos » de Lénine, l'oubli commode de ce passé peu glorieux.

Jean-François Revel fut lui-même un de ces « intellectuels de gauche ». De ceux du moins qui espérèrent un temps que le socialisme français irait rejoindre la gauche réformiste de nos grands voisins. Mais le Programme commun de Mitterrand avec les communistes lui fut insupportable. Il pressentait la suite où nous mijotons encore : la persistance de « l'exception française » dans le culte du mythe égalitaire. Et notre dépendance au philtre collectiviste.

Son libéralisme éclairé lui fit comprendre et estimer les Etats-Unis - un exploit dans l'intelligentsia nationale. Et combattre, chez nous, le cantonnement populiste de l'antiaméricanisme. Il aimait une France aux frontières ouvertes. Et c'est en paladin du monde occidental qu'il ouvrit le dialogue intercontinental avec son fils, Matthieu, éminent bouddhiste. Le mondialiste qu'il fut avait, une fois encore, une génération d'avance sur son temps.

Je puis enfin dire ici que Jean-François était, dans le privé, d'une infinie délicatesse d'esprit et de coeur. Comme le poète, « il aimait, le jeu, l'amour, les livres, la musique, la ville et la campagne... ». Sa fabuleuse mémoire convoquait dans un sourire Horace contre les buveurs d'eau, et Cicéron pour les devoirs impérieux de l'amitié. Intraitable sur l'orthodoxie de la bouillabaisse, de la « pochouse » et des grands Barolo du vignoble italien. Appliqué, dès le matin, à faire son « papier » de turfiste. D'une rigueur sévillane quant au style des faenas dans les corridas que nous courions de Jerez à Madrid. Autant de précieux ornements d'un art de vivre qu'il ne tenait pas pour mineur. Dans ses plaisirs aussi, il voulait du style et des règles.

Son oeuvre délivre une magnifique leçon de salubrité intellectuelle et publique. Et sa vie, une leçon de sagesse. Je n'en dirai pas plus. Tout le reste est chagrin

Repères
Né à Marseille en 1924, ancien élève de l'Ecole normale supérieure et agrégé de philosophie, Jean-François Ricard a participé activement à la Résistance. Professeur à l'institut français de Mexico puis de Florence de 1950 à 1956, en lycée en France jusqu'à 1963, il entre en littérature en 1957 sous le nom de Jean-François Revel, publiant son premier essai, « Pourquoi des philosophes ». En 1970, « Ni Marx ni Jésus. De la seconde révolution américaine à la seconde révolution mondiale » remporte un succès mondial et impose son auteur comme l'un de nos penseurs les plus importants. Citons encore « La tentation totalitaire » (1976), « Comment les démocraties finissent » (1983), « La connaissance inutile » (1988), « L'absolutisme inefficace » (1992), « L'obsession anti-américaine » (2002).

Editorialiste puis directeur de « L'Express » entre 1966 et 1981, chroniqueur au « Point » à partir de 1982, Jean-François Revel s'est également intéressé à la littérature (« Sur Proust », 1960 et 1997), à l'histoire de l'art (« L'oeil et la connaissance », 1998) et à la gastronomie (« Un festin en paroles »). Auteur aussi d'une « Histoire de la philosophie occidentale, de Thalès à Kant », il était membre de l'Académie française depuis 1997. La même année ont paru ses Mémoires sous le titre « Le voleur dans la maison vide ».


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MessageSujet: Re: Mort de Jean-François Revel   Mort de Jean-François Revel Icon_minitimeSam 6 Mai 2006 - 23:49

A nos lecteurs

Franz-Olivier Giesbert

De Jean-François Revel, c'est d'abord le rire qui va nous manquer. Une vacherie ou un trait d'humour, et puis ça partait. La vanité tue souvent très jeunes les intellectuels ou prétendus tels. Mais cet encyclopédiste curieux de tout ne s'était jamais laissé étouffer par l'esprit de sérieux. Il doutait de tout et en même temps de rien.

C'était à la fois Prométhée et Sisyphe, Jean-François. Un journaliste-philosophe-écrivain-gastronome-aficionado-pamphlétaire et on en passe, ainsi qu'un insoumis permanent, toujours en guerre contre les imposteurs de la « bien-pensance », les perroquets de la moraline et les suivistes de la « moutonnaille », pour reprendre le mot de Rabelais, auquel il faisait irrésistiblement penser.

Jean-François ne pensait pas bien, c'est vrai. Ce qui explique pourquoi il n'a pas toujours été reconnu à sa juste valeur, celle d'un des grands intellectuels du XXe siècle, au même titre - je pèse mes mots - qu'Albert Camus, Jean-Paul Sartre ou Raymond Aron, auteur de nombreux classiques qu'il faut lire ou relire : « Pourquoi des philosophes », « Sur Proust », « La cabale des dévots », l'« Histoire de la philosophie occidentale » ou « La tentation totalitaire ». Sans parler de ses Mémoires, « Le voleur dans la maison vide ».

Au Point, on était tous très fiers de travailler avec un homme comme ça et on le restera, car il ne nous a pas quittés, Jean-François. Ces gens-là ne partent jamais. Ses rires, ses saillies et ses analyses n'ont pas fini de retentir dans les couloirs du journal


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