suite :
L'animateur s'en fout éperdument, il a fait donner, juste avant, une pseudo-critique littéraire débraillée pour stigmatiser, de façon confuse, ma "misogynie", la seule chose qui compte est de savoir si la couverture du livre est bien passée à l'antenne. Oui ? Alors tout va bien. A part quelques injures rituelles, les articles sont plutôt très bons, avec, parfois, une couleur un peu paternaliste qui me plaît et me rajeunit. Quand j'étais au lycée, mon professeur de français, un bon vieux gros communiste qui me reprochait de préférer La Fontaine à Paul Eluard, me donnait une bonne note en dissertation, non sans me dire chaque fois : "Ne soyez pas trop content de vous". Je retrouve avec délice cette tonalité de dérision et de tendresse jalouse sous la plume de Patrick Besson : "Sollers explose de contentement de soi. Chacune de ses pensées le ravit et tous ses raisonnements l'enchantent. Quant à ses phrases, il est tellement content de les avoir écrites qu'il doit se faire, la nuit, plein de bisous sur les mains".
Ici, question : comment Patrick Besson a-t-il eu connaissance de ce détail intime ? Ai-je été trahi par une de mes anciennes amies, surprise de me voir soudain, à trois heures du matin, m'embrasser les mains avec effusion ? Non, Besson est simplement un bon écrivain, donc il a un don de voyance. C'est vrai, je l'avoue, je me fais souvent des bisous sur les mains la nuit. Elles le méritent, ces pauvres mains de forçat de la littérature. C'est ma petite prière dans les ténèbres, ma pilule de philosophie.
(...)