Décès à Moscou de l’écrivain russe et ex-dissident Alexandre Zinoviev
(AFP, 10/05/2006 23:48 ) - L’écrivain russe Alexandre Zinoviev, ancien dissident soviétique devenu un ardent critique de la perestroïka, est décédé mercredi soir à Moscou d’un cancer au cerveau, à l’âge de 83 ans, a annoncé sa femme.
Olga Zinovieva, interrogée par téléphone, a précisé que l’enterrement aurait lieu lundi après un dernier hommage à l’université d’Etat de Moscou, où ses admirateurs pourront venir s’incliner devant sa dépouille.
L’ancien professeur de philosophie à l’époque de l’URSS était revenu définitivement en Russie en 1999 après plus de vingt ans d’exil en Allemagne.
Tout commence en 1976 avec la publication en Occident des “Hauteurs béantes”, pamphlet anti-soviétique qui allait devenir un livre-culte de la dissidence.
Ayant aussi protesté contre le refus des autorités de le laisser assister à un symposium en Finlande, il est renvoyé la même année de son poste de professeur de l’Institut de philosophie de l’Académie des Sciences.
Au retrait de ses titres scientifiques, aux coupures de téléphone et aux convocations pour interrogatoire au KGB, succède en 1978 l’autorisation de se rendre à Munich pour un an.
Peu après, il est privé de sa nationalité soviétique. Et il résidera dans la capitale bavaroise jusqu’en 1999, date de son retour en Russie après plus de vingt ans d’exil.
En 1982, il publie en exil “Homo sovieticus”.
Il est l’auteur de nombreux autres ouvrages décrivant l’absurdité de la bureaucratie engendrée par le système soviétique ou sur la Russie de Gorbatchev, dont “l’Avenir radieux” et “Gaîtés de Russie”.
Depuis 1999, il vivait en Russie où ses prises de position ont souvent été perçues comme une trahison de la cause de la dissidence soviétique et où il n’a cessé de dérouter, critiquant après la chute de l’URSS en 1991 la perestroïka et allant jusqu’à soutenir les communistes par anti-occidentalisme.
Amateur de la théorie de la conspiration, Zinoviev se voulait un “philosophe-sociologue”, dénonçant le totalitarisme engendré par l’Occident et la mondialisation libérale.
C’est au nom de la haine de l’Occident qu’il avait appelé à voter communiste à la présidentielle de 1996 remportée par Boris Eltsine. Pour Zinoviev, seuls les communistes pouvaient permettre au pays “de demeurer une grande puissance et de ne pas devenir une zone de colonisation occidentale”.
“Occidentisme”, “Katastroïka”, “le Gorbatchévisme ou les pouvoirs d’une illusion”: les titres de quelques-uns de ses ouvrages donnent un aperçu de sa haine du capitalisme qu’il détestait tout autant que la mise en pratique du communisme.
“Les libéraux, je les connais. Ils se ressemblent, comme se ressemblent les punaises entre les planches de l’isba. Ils sont pires que les staliniens”, écrivait-il.
Ce philosophe, qui dénonça très tôt le culte de Staline, est né le 29 octobre 1922 dans une famille de onze enfants. Son père est peintre en bâtiment, sa mère, kolkhozienne.
Dès 1939, Zinoviev qui vient d’entrer à la faculté de philosophie, a ses premiers déboires avec le régime.
Ayant protesté contre le culte de Staline, il est exclu des jeunesses communistes, les Komsomols, renvoyé de l’Institut, et doit se cacher pendant plusieurs mois, selon son autobiographie.
Pilote pendant la Seconde Guerre mondiale, décoré, il reprend ses études à la faculté de philosophie de Moscou et travaille jusqu’en 1954 sur une thèse consacrée au “Capital” de Karl Marx. Parallèlement, il enseigne la logique et la psychologie.
AMI